20 ans après la fin de la deuxième guerre, la fin de l’après-guerre, le début d’une nouvelle ère historique
Entreprise
12 juin 1965

Raymond Aron: «La défaite politique des Russes en Europe est certaine». Au cours d’un entretien, Raymond Aron a examiné pour les lecteurs d’Entreprise l’évolution de la situation mondiale vingt ans après la fin de la deuxième guerre mondiale. Un bilan lucide et prospectif que vous devez lire. (page 19)
Les chefs d'entreprise ont besoin, quelles que soient leurs préoccupations quotidiennes, de connaître les «grands courants» internationaux.
Raymond Aron est un de ceux qui, non seulement en France mais encore dans le monde, les suit avec le plus de lucidité.
Au cours d'un entretien avec Michel Drancourt, il a cherché à répondre à la question suivante:
La période qui s'est écoulée depuis la capitulation inconditionnelle du IIIe Reich représente-t-elle une période historique et sommes-nous à l'aube d'une autre période historique? Nous avons regroupé sous quatre thèmes principaux les observations de Raymond Aron.
«Il n'y a aucune raison que le vingtième anniversaire de la fin de la guerre marque la première année d'une nouvelle période historique. Cependant, en prenant un peu de recul, on est amené à se demander si le système international n'est pas en voie de transformation fondamentale.
La fin du monde bipolaire?
Le système international n'a jamais été bipolaire que dans une zone limitée; disons, en gros, dans l'hémisphère nord (de Vladivostok à San Francisco en passant par Moscou, Paris, New York). Le reste, ce qu'on appelle le Tiers Monde, n'a jamais été ni d'un côté, ni de l'autre et il n’a jamais été uni, sinon dans la protestation contre tel ou tel pays.
Revenons aux deux blocs: je voudrais insister sur deux transformations: celles qui affectent le monde soviétique, celles qui intéressent l’Europe.
1.
Le monde soviétique comporte aujourd'hui deux centres:
le conflit sino-russe représente la désagrégation d'un bloc qui se voulait idéologique, qui avait une doctrine selon laquelle des conflits internes étaient exclus. Entre pays socialistes, d'après la doctrine, il ne pouvait pas y avoir de conflits réels. Le conflit sino-russe n’est donc pas seulement un conflit diplomatique de type classique; c'est la mise en question d'une doctrine commune par des partenaires qui sont maintenant des adversaires.
À la faveur de ce conflit sino-russe, et pour d'autres raisons aussi, les états de l'Est européen sont devenus plus autonomes, et cela vaut aussi la peine d'être souligné. La supériorité de l'Union soviétique, du fait de sa puissance militaire, sur les états de l'Europe orientale est restée tout aussi grande qu'elle était il y a dix ou vingt ans, son empire sur eux se réduit. Pour régner, il faut soit la résolution d'employer la force, soit l'habileté de convaincre. Or le fait est que les Russes ne semblent plus avoir la résolution d'employer la force, sinon dans les circonstances extrêmes. Si évidemment tel ou tel pays d'Europe orientale voulait changer de camp, les Russes ne le toléreraient pas, mais pour les questions «quotidiennes», ils n’imposent plus leur volonté. Cela ne veut pas dire qu'ils soient plus capables aujourd'hui qu'il y a vingt ans de persuader; ils le sont même moins du fait que leur système économique se révèle de plus en plus difficile à maintenir au fur et à mesure que l'Union soviétique progresse.
En Occident nous connaissons des phénomènes qui ne sont pas comparables mais qui traduisent aussi quelques changements, par exemple la politique extérieure de la France et la volonté systématique du gouvernement français de se différencier du monde occidental, et en particulier des États-Unis.
2.
Personne ne croit plus guère que l'Union soviétique et envisage une marche militaire jusqu'à l'Atlantique.
Il y a à cela plusieurs raisons, outre la division du «camp socialiste». L'Union soviétique n'est pas d'humeur agressive, les ressources militaires du bloc occidental sont considérables, tout le monde, y compris les Russes, est terrifié par les armes thermo-nucléaires, enfin la supériorité en armes classiques de l'Union soviétique est pour le moins douteuse.
Il est utile de développer un peu cette dernière constatation, parce qu'elle est rarement faite.
La seule armée soviétique d'Allemagne orientale comportant vingt à vingt-cinq divisions – qui sont des divisions légères – ne représente certainement pas une force suffisante pour permettre une attaque massive contre les douze divisions allemandes et les cinq grosses divisions américaines, sans parler du supplément de divisions anglaises ou de divisions françaises. À cela certains experts américains ajoutent que si l'on tient compte de l'attitude incertaine des divisions des états d'Europe orientale en cas de conflit, la situation militaire de l'Union soviétique au centre de l'Europe, même dans le domaine «classique», n’est pas telle qu'elle puisse envisager de mener une action offensive non nucléaire. En réalité, la force militaire principale de l'Union soviétique en Europe, ce sont les six cents à sept cents engins balistiques à moyenne portée qui continuent à faire de l'Europe occidentale une sorte d'otage, mais la fonction de cette menace est surtout de dissuasion.
Dans ces conditions, une agression soviétique contre l’Europe occidentale n'est plus guère à craindre.
3.
Le problème de la réunification de l'Europe prend le pas sur celui de sa sécurité.
Ayant constaté que l'U.R.S.S. n'envisage plus de s’attaquer à l'Europe occidentale, que l’Europe orientale évolue, on en vient à réfléchir à l'avenir de l’Europe dans son ensemble
Quand les Allemands, aujourd'hui, parlent de leur unification, quand le général de Gaulle fait une conférence sur l’unification, il ne s'agit plus du tout, comme il y a quelques années, de propos rituels. Je ne sais absolument pas si l'on dira plus tard que la réunification de l'Europe a commencé en 1956, au moment de la révolte polonaise ou hongroise, ou en 1962, au moment de la crise cubaine, ou en 1963, au moment du traité russo-américain sur la suspension des expériences nucléaires, ou en 1965, avec les conférences de presse du général de Gaulle et les actions du gouvernement allemand, peu importe; nous entrons dans une nouvelle phase, au cours de laquelle on se préoccupera davantage de trouver une solution au partage de l’Europe que de maintenir le statu quo.
En 1950, au cours d'une conférence aux étudiants allemands de Francfort, je disais: «
Le partage de l'Allemagne est l’expression et le symbole du partage de l'Europe, et il n’y aura pas de réunification de l'Allemagne sans réunification de l’Europe.
On ne peut pas concevoir une Allemagne unifiée dans une Europe divisée, parce que l'Allemagne est trop puissante pour que, unifiée, elle ne fasse pas pencher la balance, en Europe, d'un côté ou de l’autre.» Je maintiens ce point de vue.
Ce qui est en question, c'est de surmonter le partage qui est l’héritage de la deuxième guerre mondiale. Les données sont les suivantes:
- Militairement, rien n'a changé, c'est-à-dire qu'il y a une ligne de démarcation, il y a des armées des deux côtés; il y a un équilibre militaire plus stable, en ce sens qu’il n'y a plus la supériorité écrasante de l'Union soviétique, et il y a tant d'armes atomiques de toute espèce partout que personne ne songe à jouer au feu en Europe.
- Ce qui a changé, c’est que, économiquement, et surtout intellectuellement et moralement, les relations ont été rétablies entre les pays d'Europe orientale et ceux de l’Europe occidentale. Nous sommes dans une situation paradoxale, où le statu quo militaire persiste, où le statut territorial subsiste mais où se renouent les liens entre les deux Europes.
Cette Europe qui se cherche est en fait une Europe qui n’a jamais existé.
Historiquement en effet, l’Europe a existé avec une certaine conscience culturelle, mais elle a existé en tant que système d’états rivaux. Or, nous n’avons pas envie de reconstituer le système qui a débouché sur les deux guerres du XXe siècle. Pour l'Europe qui se cherche, toute une série de problèmes surgissent. Le général de Gaulle pose celui de savoir si l'unité de l'Europe suppose le desserrement, sinon la rupture, des liens avec les États-Unis d'Amérique. Il y a également celui de savoir si dans l'Europe reconstituée, l’Union soviétique serait présente et les États-Unis exclus.
Personnellement, il me paraît très déraisonnable de concevoir une Europe unifiée de la sorte. Elle serait déséquilibrée au profit de l’Union soviétique.
Voilà au contraire ce qui me paraît concevable, à terme.
Les troupes russes rentrent en Russie; il y a un accord russo-américain pour une double évacuation et pour une réunification de l’Allemagne dans un cadre européen, avec un statut accepté par tous les pays voisins, sous la double garantie russo-américaine.
Le général de Gaulle semble croire que la France ou les Européens pourraient négocier l’unité de l’Allemagne avec l’Union soviétique sans les États-Unis; cela me semble déraisonnable étant donné le rapport des forces, et jamais l’Allemagne de l’Ouest n’acceptera de rompre des liens avec les États-Unis qui sont, encore aujourd’hui, indispensables à sa sécurité. J'ai dit que cette sécurité existait parce que j'ai supposé par hypothèse le maintien d’un minimum d'Alliance atlantique et d'un minimum de forces américaines en Europe. S'il n'y avait plus de forces américaines en Europe, je me demande qui assurerait la sécurité de Berlin-Ouest.
Ces perspectives sont inévitablement vagues, mais un fait paraît certain: la défaite politique de l'Union soviétique en Europe est acquise.
Victoire du système occidental
La défaite de l’Union soviétique est le résultat:
1. De la réussite des économies capitalistes rénovées.
2. De l'incapacité de l'Union soviétique de se faire accepter comme suzerain de l'Europe orientale même par les états socialistes.
3. De la démonstration non seulement de la supériorité humaine mais de la supériorité d'efficacité du régime d’économie «semi-libérale» sur le système de planification grossière appliqué jusqu'à présent par l'Union soviétique.
L’opinion n'est pas suffisamment consciente du fait que, politiquement et moralement, ce sont les Occidentaux qui sont, dans les pays développés, les vainqueurs de la guerre froide. Dans les pays sous-développés, la question est infiniment plus difficile, parce que les problèmes sont autres dans l'hémisphère nord, l'expérience de ces vingt années ne fournit à personne – si l'on met à part quelques intellectuels – un argument en faveur d'une planification à la russe. Elle donne au contraire un grand nombre d’arguments en faveur des régimes du type occidental (qui comprennent aussi bien la Soziale Marktwirtschaft des Allemands que la planification indicative à la française).
Selon les modes de calcul, le produit national russe se situe entre 40 et 60%, probablement aux alentours de 50%, du produit national américain, avec une moindre infériorité soviétique pour certaines industries auxquelles les Russes tiennent particulièrement, et avec une immense infériorité pour tout ce qui touche aux conditions d'existence. En plus de cela, si nous mettons à part les réussites soviétiques dans l'espace, la plupart des développements technico-économiques se font encore en Occident. L'Union soviétique a découvert avec retard la nécessité de développer l'industrie chimique; Khrouchtchev a découvert il y a deux ans que l'Union soviétique avait pris un formidable retard au point de vue de l'industrie chimique. Et l’agriculture soviétique n'est pas sortie de son marasme.
À l'intérieur du système occidental, vers une redéfinition des rapports Europe-États-Unis
L’Europe, en mouvement, a surmonté avec succès des difficultés coloniales qui, en d'autres temps, l'auraient secouée profondément; elle est plus prospère que jamais; elle cherche à définir sa position par rapport à l'influence américaine.
1.
La fin de l'époque coloniale est aussi l'ère de la grande prospérité.
Si l’on compare la situation vingt années après la première guerre et la situation vingt années après la deuxième, on peut dire que, pour l'Occident au moins, le bilan est extraordinairement positif. Vingt ans après la première guerre, nous étions à la veille de la deuxième, et sans même être doué d'une lucidité extraordinaire on la voyait venir. Vingt ans après la deuxième, on ne connaît sans doute pas encore ce que l'on appelait traditionnellement «la paix», mais au cours de ces vingt années, pour l'Europe, l'essentiel a été sauvegardé. Des transformations qui auraient pu, en d'autres temps, coûter cher en richesses gaspillées ou en sang versé se sont accomplies non pas sans larmes et sans souffrances, mais à un coût mesuré et tolérable rapporté aux habitudes historiques. J'entends par là que les empires européens se sont soit désintégrés, soit libérés, mais que les Européens ayant abandonné leurs empires constatent, après coup, la vérité de ce que les économistes leur disaient depuis longtemps, à savoir que les possessions coloniales ne sont pas, dans la majorité des cas, des sources de richesse. À notre époque, à partir du moment où la puissance coloniale ne se borne pas à exploiter les richesses et les populations, mais se sent responsable du développement économique, la possession impériale est une charge. La Hollande, la France, l'Angleterre ont été ou sont en passe d'être réduites à leur territoire – dans le cas de la France on dit «réduite à l'hexagone» - mais, simultanément, jamais le taux de développement et le niveau de vie n'ont été aussi élevés que depuis vingt ans.
C’est un fait surprenant que le taux de croissance de l’économie anglaise, considéré comme insatisfaisant depuis vingt ans, est malgré tout plus élevé que le taux de croissance à long terme de l'économie anglaise au XIXe siècle.
Pendant les années cinquante, disons entre 1952 ou 53 et 1960 ou 61, le pôle le plus actif de développement économique, au point de vue de la rapidité de la croissance, a été l'Europe occidentale.
Depuis quelques années un renversement s'est en partie produit au profit des États-Unis et surtout les Européens, une fois en concurrence directe avec les États-Unis, ont découvert – ce que tout le monde répète aujourd'hui – la prodigieuse inégalité des dimensions qui existe entre les entreprises américaines et les entreprises européennes. Ils ont découvert aussi que, à mesure que la recherche et le développement jouent un plus grand rôle, le potentiel américain est incomparablement supérieur à celui de l'Europe. Il est certain que, même si dans vingt-cinq ans le niveau de vie européen est plus proche du niveau de vie américain qu'aujourd'hui, l'économie de pointe et de puissance risque d’être tout autant, voire plus qu'aujourd'hui, celle des États-Unis.
2.
La «personnalité européenne».
Les rapports entre les États-Unis et l'Europe se situent sur trois plans différents qui ne doivent pas être confondus:
- Le plan diplomatico-militaire, lui-même subdivisé en deux, c'est-à-dire d'une part la partie qui intéresse directement l'Europe, et d'autre part la partie qui intéresse le reste du monde.
- Le plan économique.
- Le plan culturel.
Parce que j'attache une importance particulière à ce dernier et qu'on dit à son propos passablement de bêtises, c’est par lui que je commencerai.
Il est bien entendu qu'au sens où les ethnologues prennent le mot «culture», il y a de considérables différences entre le style de vie américain et le style de vie européen, et ces différences subsisteront même à égalité de niveau de vie. L'Amérique est sortie de l'Europe, mais elle est autre chose que l'Europe, ne serait-ce que par les dimensions, la jeunesse historique, le système de valeurs et d’éducation. Tocqueville et beaucoup d'autres observateurs ont toujours constaté ces différences.
Les Américains, les Russes, les autres et le Tiers Monde
L’américanisation de l'Europe est beaucoup plus une technisation ou une modernisation qu'une américanisation. Bien entendu, à l'occasion de cette évolution, nous absorbons simultanément un certain nombre de produits ou d’habitudes que nous préférerions ne pas absorber, mais ce n'est pas la faute des Américains si nous leur prenons parfois ce qu'ils ont de pire. Certains excès ou jugés tels ne doivent tout de même pas faire oublier qu'il n’existe pas en Europe d'université d'une qualité comparable aux grandes universités américaines. Il y a toujours quelque chose de comique à lire sous la plume de tant d’Européens des propos supérieurs sur la «culture américaine». En fait, dans un grand nombre de disciplines, la formation supérieure s'acquiert maintenant de plus en plus aux États-Unis. Dans la majorité des disciplines il y a au moins une demi-douzaine de départements universitaires aux États-Unis, qui sont égaux ou supérieurs à ce que les meilleures universités européennes peuvent offrir.
Cela ne veut pas dire du tout que l'Europe n'ait rien à apporter aux États-Unis. Il y aura des échanges, comme il y en a toujours eu. Tout ce qui est publié de bien aux États-Unis sera publié en Europe, et inversement. Quant à certains aspects de l'évolution technique, certains abus, les pays d'Europe doivent essayer de les corriger, à leur manière (comme les États-Unis à la leur) et c'est une mauvaise façon de procéder que de nourrir à leur propos un anti-américanisme primaire. Avec ou sans les États-Unis, il y a un problème de la publicité, un problème de la télévision, un problème de la radio, un problème de la presse à scandale, et au bout du compte, si nous comparions les journaux à scandale français et les journaux à scandale des États-Unis, je me demande à qui irait la palme…
Les anti-américains donnent toujours l'impression d’être terrifiés à l'idée que l’Europe va perdre sa personnalité à cause des États-Unis. Je suis plus optimiste que cela; je ne crains pas que les bandes dessinées, les hebdomadaires américains, la publicité à grand débit fassent perdre à l'Europe sa personnalité, si elle en a une. De deux choses l'une: ou vraiment il existe une personnalité européenne d'ordre spirituel, consciente d'elle-même, qui veut s'affirmer, et dans ce cas-là, elle doit survivre à une technique que nous appelons américanisation, mais qui est, dans une large mesure, le résultat de la société dans laquelle nous vivons. Ou bien, nous ne pouvons pas résister à ce genre de pression que l'on appelle américanisation, mais c’est que nous n'avons pas de personnalité et il est inutile de vouloir nous barricader pour nous protéger contre «l’Amérique».
J’aurais horreur de l'uniformisation, je crois que la richesse de l'humanité est dans sa diversité, mais je suis optimiste pour l'Europe. Quand je suis à Bâle, ou à Francfort, ou à Florence, ou à Bruxelles, ou à Londres, je me sens très profondément en Europe, dans une zone de culture que je serais bien incapable de définir rigoureusement, mais que je sens. Lorsque je suis à Harvard, ou à New York, ou à San-Francisco, ou à Chicago, je me sens dans une autre zone de culture avec ses qualités et ses défauts, mais suffisamment parente pour que le dialogue soit facile.
Cela dit, il serait puéril de croire que l'Europe ne maintiendra son autonomie qu'à condition de se définir culturellement contre les États-Unis. En effet, tout ce qui relève aujourd’hui du domaine de la science est réellement et nécessairement international. Et la littérature? Elle s’échange perpétuellement.
Le problème économique
est plus compliqué. La rupture des relations économiques entre l’Europe et les États-Unis est inconcevable et serait une catastrophe pour l'Europe. L’imbrication des économies européenne et américaine est réalisée, beaucoup plus qu’on ne l'imagine communément. Un nombre très important de grandes sociétés sont européano-américaines. Le vrai problème me paraît être de transformer le plus possible des sociétés à direction exclusivement américaine en de véritables sociétés supranationales. Il m'est arrivé de discuter de ces problèmes avec des responsables américains. Ils commencent à être conscients du fait que la grande corporation de l’avenir ne pourra pas être étroitement nationale, sinon les réactions contre les filiales deviendront un danger pour ces sociétés elles-mêmes.
Les solutions doivent être cherchées en deux directions. L'une est la direction de grandes sociétés européennes; malheureusement, on n'a rien fait dans cet ordre d'idées. Pourquoi? Quand une société européenne est en difficulté, elle veut traiter avec une société américaine pour se tirer d'affaires, parce que d'autres sociétés européennes sœurs ne lui donneraient pas ce dont elle a besoin, la vraie sécurité, la dimension, la technique et les moyens financiers.
L'autre direction est l'internationalisation des corporations américaines. Vœu pieux pour l'instant, mais je l'ai dit, les esprits commencent à s'y rallier.
Venons-en au
plan diplomatico-militaire.
En ce qui concerne l'Europe, le problème est assez simple. Le but n'est pas d'assurer la présence permanente d’une armée américaine en Europe, et les Américains n'ont nullement pour objectif d'avoir indéfiniment une armée en Europe. Le but commun aux Européens et aux Américains est de créer en Europe des conditions telles que l'armée américaine puisse s'en aller, ce qui ne signifierait pas la fin de l'Alliance atlantique; un équilibre suffisant serait reconstitué en Europe pour que la présence militaire américaine ne soit pas nécessaire comme elle l'est aujourd'hui. Cette situation supposerait évidemment la fin du problème de Berlin et l'unité de l’Europe.
Nous avons besoin des U.S.A.
Je ne crois pas, je l'ai dit et le répète, que l'on puisse négocier cette unité après avoir fait partir les Américains d’Europe. Procédant ainsi, nous perdrions notre carte principale, la seule qui nous donne une chance de convaincre les Russes. Toute idée d'une négociation européenne, l’Europe incluant l'Union soviétique et n'incluant pas les États-Unis, me paraît simplement stupide. Pour que nous obtenions des concessions de l'Union soviétique, il faut que nous ayons une monnaie d'échange. La seule possible est le départ des troupes américaines, avec en contrepartie le départ des troupes russes et une garantie russo-américaine prévoyant que tout franchissement des frontières équivaudrait à un casus belli.
Pour ce qui est de l'attitude des Européens à l'égard du reste du monde, les données sont différentes. De la même façon que les Américains n'ont pas voulu être solidaires de la politique française en Algérie, de même nous n'avons aucune envie de nous déclarer solidaires soit de la politique américaine au Vietnam, soit de la politique américaine à Saint-Domingue. Une solidarité ne serait possible que s'il y avait des consultations et des concessions réciproques, mais l'inégalité de forces et de moyens est telle, entre les États-Unis et les autres, que finalement la politique mondiale hors l'Europe serait surtout américaine. Par conséquent, je ne crois pas à la possibilité d'une solidarité intégrale de l'Occident à l'égard du Tiers Monde. Et j’ajoute que je ne suis même pas sûr que ce soit dans l'intérêt de l'Occident.
Je n'ai jamais cru à l'unité du Tiers Monde sinon dans la protestation, dans l'indignation.
Quant à savoir quand et comment les pays sous-développés sortiront de leur état... Les observations que l'on peut faire conduisent plutôt au pessimisme. Les résultats enregistrés jusqu'ici sont souvent médiocres. Et même, dans beaucoup de cas, tout se passe comme si les nouveaux états faisaient une crise de nationalisme, étaient plus préoccupés de puissance et de gloire que de développement. Après tout, la primauté absolue du développement est une idée d'intellectuels occidentaux. Il n'est pas démontré que tous les gouvernants des pays sous-développés aient réellement comme objectif absolument prioritaire le développement.
De plus, il y a beaucoup de régions du monde, comme l'Afrique, où les états nouveaux sont tels qu'il n'est pas si facile de savoir en quoi pourrait consister pour eux un développement économique rapide ou harmonieux.
Cette situation peut aboutir à renforcer la division en deux du monde soviétique, la tendance chinoise, plus poche des pays sous-développés et ayant à leur montrer l’exemple du premier stade de la révolution économique, pouvant étendre son emprise au détriment de la tendance russe.
Conclusion: le grand paradoxe
Jamais la puissance de destruction, la puissance militaire des deux grands n'a été aussi écrasante, et jamais il n’est apparu aussi évident que l'on ne peut pas organiser le monde en menaçant de le détruire. La menace de détruire ne joue pas d'autre rôle que de limiter la violence, elle n’est pas un facteur positif d'organisation du monde.
On a appelé les armes atomiques des «armes de dissuasion». Dissuader, c'est empêcher d’agir, ce n’est pas persuader. On a deviné que ces armes servaient à empêcher, mais ne servaient pas à faire, qu'elles étaient spontanément conçues comme défensives, et non pas comme offensives. Elles prévenaient, elles ne produisaient pas. Ce dont on aurait besoin aujourd'hui pour développer les pays qui ne le sont pas et assurer une paix stable, ce serait d’armes de persuasion. Nous n'en avons pas.
Il vrai que l'on peut aider les peuples sous-développés, mais non prendre en charge le développement. Celui-ci est une transformation économique, sociale, humaine, d’une population. Il faut que cette population se transforme, elle-même. La contribution des autres ne sera jamais qu’un appoint.»
Politique française Articles 1944-1977
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