Alain et la politique
La Nouvelle Revue Française
Septembre 1952

Alain est venu à la politique en citoyen et non en professeur ou en philosophe. Prenant pour thèmes ou pour prétextes les conflits majeurs ou les incidents de la vie française, il écrivit de courts articles dans certains journaux de province. On a eu raison de réunir ces
Propos
: ils supportent aisément d’être lus à la file. Ensemble, ils illustrent une attitude. Mais ils ne constituent pas l'exposé d'une doctrine. On aurait grand tort d'évoquer la
République
de Platon, la
Politique
d'Aristote ou le
Contrat social:
les recueils de
Propos
ne résisteraient pas à une telle confrontation.
Alain a connu la politique française entre l'affaire Dreyfus et la guerre de 1914, il y a d'une certaine façon participé. De la guerre elle-même qu'il a faite en soldat, il a tiré une leçon. Après 1918, professeur de Première supérieure à Henri IV, il n'a plus ajouté à ces expériences, mais il n'a cessé de réfléchir sur elles. Les
Propos
, en apparence le moins liés à l'événement, le plus chargés de réminiscences des grands auteurs, demeurent tributaires du vécu. Il faut les lire comme le témoignage d'un homme engagé, si l'on ose employer ce mot devenu à la mode. L'homme est un penseur: le témoignage s'élève par instant à la philosophie et, lors même qu'il ne retrouve pas de vérités permanentes, il donne un sens aux institutions et aux luttes d'une époque.
Je n’appartenais pas, à l'École normale supérieure, au groupe des «élèves d'Alain». Je n'avais pas passé par le lycée Henri IV et je ne voyais pas en lui le Maître. Par l'intermédiaire d'amis, en lisant ses livres, je n'en subis pas moins son influence, particulièrement en matière de politique.
Il me semble que nous étions surtout impressionnés par la conduite du vieux professeur, Pacifiste, il s'était engagé au premier jour des hostilités. Simple soldat, il avait fait la guerre sans l'aimer. Il refusait les honneurs, mais se refusait aussi à échapper aux servitudes que la communauté impose au plus humble de ses membres. Nous vivions encore, à l'époque, dans la révolte contre le grand massacre et peut-être, plus encore, contre le «bourrage de crânes». Nous jugions nos aînés d'après leurs actes et leurs paroles, entre 1914 et 1918. Ceux d'Alain nous semblaient marqués de grandeur.
Pourtant, même à ce moment, j'hésitais à souscrire aux principes de la politique d'Alain. Je n'étais pas sûr qu'il eût raison contre le Jaurès de l’
Armée nouvelle
. L'un invitait les jeunes intellectuels à revendiquer leur place parmi les officiers de l'armée démocratique, l'autre les invitait à rester dans le rang, pour partager le sort commun et pour échapper à toute complicité avec l'ordre social. Le refus d'Alain avait une signification morale qui en imposait, mais aussi une signification politique qui ne pouvait pas ne pas susciter le doute. Est-il vrai que, dans l'administration, le «gouvernement des meilleurs», rêve des utopistes, soit déjà, pour une large part, réalisé? Est-il vrai que l'essentiel soit non d'améliorer cette administration, mais de lui interdire d'abuser de ses inévitables privilèges? Est-il vrai que cette limitation des pouvoirs par la résistance morale soit la tâche unique du citoyen, du radical, du penseur, du pouvoir spirituel (toutes ces notions mystérieusement confondues)?
À l'époque, comme la plupart des Normaliens non catholiques, j'inclinais vers la gauche, je me déclarais socialiste, mais, bien évidemment, je ne savais guère ce qu’était une économie socialiste, par opposition à une économie de marché, et j’aurais été incapable de dire les avantages et les inconvénients probables de l'une ou de l'autre. «Intellectuel de bonne volonté», j’étais pour le peuple contre les privilégiés, pour le progrès contre la tradition, pour la reconstruction rationnelle de la société contre les institutions traditionnelles. Les symboles républicains ou révolutionnaires me touchaient plus que les symboles conservateurs. Au reste, ces préférences ne m'engageaient à rien ou presque, pas plus d'ailleurs que ne l'auraient fait les préférences contraires.
La rupture avec ces opinions, plus coutumières que réfléchies, intervint au cours de mon séjour en Allemagne, lorsque je fus spectateur de la révolution hitlérienne et que j'entrepris des études d'économie, de sociologie, d'histoire (que je n'achèverai jamais). L'admiration pour l'enseignement d'Alain fit place à la révolte contre une influence qui, au cours des années tragiques qui précédèrent la deuxième guerre, m'apparut néfaste.
Résister aux pouvoirs, lorsque ceux-ci sont modérés, excellente méthode, en vérité, pour en accélérer la ruine et frayer la voie à d'autres pouvoirs qui, en cas de besoin, se passeront de l'assentiment des gouvernés et forceront l'enthousiasme des masses. Le refus inconditionnel des honneurs aboutit à laisser aux représentants des vieilles classes dirigeantes la possession exclusive du pouvoir, en particulier militaire: bon moyen, en vérité, de précipiter la ruine de la République. Il fallait un grand penseur, me disais-je avec rage, pour donner un semblant de justification à une telle sottise. Au reste, que va faire le citoyen, hostile à tous les pouvoirs, quand la nature même du régime est en question? Dans cette mêlée confuse où chaque parti brandit son idéologie et y découvre la preuve d'une légitimité ou d'une mission, où le citoyen radical va-t-il se prendre?
Alain avait-il quelque chose à nous dire dans la situation extrême, caractéristique de l'ordre politique, la situation révolutionnaire? Avait-il même quelque chose à nous dire face à l'événement qui, plus que tout autre, avait inspiré sa méditation, la guerre? Entre 1933 et 1939, combien de fois furent répétées ces formules, vulgarisation de la sagesse du Maître: «Une guerre différée est souvent une guerre évitée.» «Toute mesure de force, même pour prévenir la guerre, est finalement une menace pour la paix.» Je suivais avec désespoir le glissement de l'Europe vers une guerre qui devenait inévitable dans la mesure même où les hommes d'État occidentaux manquaient de clairvoyance et de courage, mais aussi obéissaient à des idées fausses. Que devenait l'idée que la guerre est une conspiration des pouvoirs, ivres d'eux-mêmes? L’idée que la guerre naît de l'orgueil, de la fuite en avant, de l'incompréhension réciproque et non d'une volonté délibérée d'un des partis?
Je ne me sens pas beaucoup plus proche de la politique d'Alain aujourd'hui qu'il y a dix ans. Mais je juge ma sévérité récente aussi excessive, plus injuste que l'admiration sans limites de ceux qui mettent les
Propos sur la Politique
auprès de la
Politique
d'Aristote.
La deuxième guerre mondiale nous a rappelé qu'une mémoire trop fidèle est aussi dangereuse que l'oubli. La meilleure façon de précipiter une catastrophe est d'employer les moyens qui auraient probablement évité la précédente. L'adhésion totale de tant d'hommes de bonne volonté au stalinisme force à reconnaître une vérité, probablement partielle mais définitive, incluse dans l'enseignement d'Alain: l'adoration des pouvoirs ou, plus encore, la prétention des pouvoirs à être adorés se retrouve à la source de toutes les tyrannies.
Les premières décennies de la IIIe République ont été marquées par la montée d'hommes politiques professionnels, venus de la moyenne et de la petite bourgeoisie, par opposition aux ducs, aux grands bourgeois, républicains par résignation plutôt que par conviction. Ce personnel républicain et surtout radical était spontanément hostile aux diverses fractions de la classe socialement privilégiée (fractions séparées par des rancunes inexpiables, léguées par un siècle de révolutions) qui avaient, au cours du XIXe siècle, géré l'État. Nullement désireux d'un bouleversement, il était impatient d'exercer lui-même les fonctions dirigeantes. Vu de Paris, l'avènement du médecin (Clemenceau) ou du boursier (Herriot) marquait simplement la substitution d'un personnel à un autre. Vu de la province, il marquait aussi, et peut-être surtout, la conquête de l'État par les représentants des humbles, le triomphe d'une révolte, aux origines lointaines, contre les puissances sociales. À Paris, un radical, devenu ministre de la Guerre, ne se distingue plus guère, sinon dans son langage, de son prédécesseur, opportuniste ou conservateur. Dans sa circonscription, il appartient au parti du village et de l'école, contre le château et l’église.
Alain combine les deux interprétations. Il prend parti pour le paysan contre le seigneur (ou le notable) et le curé. Mais il n'en veut pas au seigneur, il ne songe ni à l’éliminer ni même à le dépouiller. Il ne croit guère aux prophéties du socialiste qui annonce la fin de l'inégalité. Après le châtelain, il y a eu l'industriel. Après l'industriel, il y aura le directeur de trust. Ce dernier sera peut-être nommé par l'État: quel sera le profit? L'automobile dans laquelle il se promènera sera peut-être propriété de l'entreprise (l'automobile du général n'appartient pas non plus au général): encore une fois, quel est le profit? Non, pas d'utopie: le paysan sait qu'il y a aura toujours des hommes «à cheval» ou «roulant carrosse» ou «en automobile». Il accepte, avec Alain, cet ordre immémorial des sociétés, sans amertume et sans indignation, mais à une condition: que sa dignité, égale à celle du seigneur, lui soit reconnue par tous, et d'abord par le seigneur, qu'il conserve son franc-parler et, si l'on ose dire, son franc-penser.
Le suffrage universel tend à être conservateur aussi longtemps que les seuls candidats sont les puissants, nobles, industriels, banquiers ou grands bourgeois. L'homme politique professionnel, souvent venu de la capitale ou du moins de la grande ville, incline, par intérêt sinon par vocation, du côté du village (il veut être élu et le village possède le nombre). Il doit se faire l'interprète des vœux, des griefs, des revendications des électeurs. Alain a transfiguré cette fonction du représentant du peuple, mais il n'a pas eu tort de voir dans le parlementaire moins un des puissants qu'un délégué des humbles auprès des puissants. Telle a été, me semble-t-il, la réalité locale de la République radicale à ses débuts.
Alain a-t-il eu tort d'affirmer que le suffrage universel, à condition qu'il soit authentique, a une portée révolutionnaire? Je ne le crois pas. Fût-ce fictivement, il rétablit l'égalité entre les citoyens. Sans doute cette égalité ne saurait-elle être de force ou de richesse. Toute action collective implique un commandement, tout ordre social une hiérarchie. Mais le suffrage universel n'en introduit pas moins une révolution politique, peut-être la plus grande de l'histoire: celle qui fait des gouvernants, en théorie, les représentants, les serviteurs des gouvernés.
Les machiavéliens objecteront à juste titre que la souveraineté du peuple est une formule qui, comme toutes les formules politiques, dissimule une réalité tout autre: l'exercice de l'autorité par une minorité privilégiée. Alain n'aurait fait aucune difficulté pour l'admettre. Mais il aurait maintenu que la proclamation de la souveraineté du peuple est plus qu’un hommage rendu par le vice à la vertu: un tel principe change moralement la relation entre gouvernants et gouvernés, il enlève à ceux-là le prestige que leur conféraient les formules aristocratiques ou les formules racistes, il rend à ceux-ci une dignité que leur enlevaient souvent les pratiques de l'absolutisme, que leur enlèveraient davantage encore les pratiques du totalitarisme. Quoi qu'en disent certains machiavéliens, il s'agit bien là d'une révolution. Il importe plutôt de savoir si les sociétés, à la longue, sont capables de la supporter.
Le suffrage universel dépouille les pouvoirs de toute valeur spirituelle ou idéologique, il les soumet à la critique permanente des citoyens se donnant eux-mêmes pour la fin de toute société, autrement dit se plaçant au point de vue moins des intérêts collectifs que des intérêts particuliers. Une cité est-elle capable de résister à la complète sécularisation des pouvoirs, à la transfiguration des individus dont le jugement devient, en tant que tel, la source même du pouvoir spirituel? L'histoire de la IIIe République est près, à elle seule, de donner une réponse négative à une telle interrogation.
Que le parlementaire soit
aussi
le délégué des humbles auprès des puissants est vrai et profond; qu'il le soit exclusivement ou essentiellement est, me semble-t-il, faux. L'électeur doit, par l'élection, choisir des gouvernants, autrement dit des hommes responsables de la Cité et de son destin, chefs des administrations. Et le citoyen n'a pas le droit d'adopter, par système, à l'égard des élus, l'attitude hostile, hargneuse du sujet à l'égard des despotes. En se dressant contre l'État démocratique, il viderait celui-ci de sa signification. Les institutions démocratiques sont faibles par elles-mêmes. On se demande si elles résisteront à la pression des masses et des groupements organisés, aux exigences d'une gestion technique, toujours plus complexe. Si l'on s'ingénie encore à les affaiblir, en leur prêtant des ambitions redoutables, en ébranlant les fidélités traditionnelles, on en précipite la ruine et, du même coup, soit la décadence de la communauté elle-même, soit une réaction excessive qui enseignera tout à la fois à obéir et à adorer.
Ces objections sont trop simples, trop évidentes pour qu'elles aient échappé à Alain. Pourquoi les a-t-il méprisées? L'explication est double. La première, d'ordre historique, nous ramène à des faits que nous avons déjà indiqués. La politique d'Alain est contemporaine de l'affaire Dreyfus, de l’avènement des radicaux. La lutte contre l'armée, l'église, la haute administration passe pour un devoir présent. Le triomphe de Combes ou de Pelletan est accueilli avec enthousiasme par toute la gauche. Une équipe gouvernementale, qui accède pour la première fois au pouvoir, se tient pour menacée par les tenants des équipes antérieures, retranchées dans l'administration. Ainsi les radicaux regardaient-ils avec suspicion l'état-major que dominaient les généraux antidreyfusards et Pelletan voulait rénover une marine pénétrée d'esprit monarchique, cristallisée dans des coutumes anachroniques (il n'avait pas tort). Exceptionnelle, cette situation ne saurait se prolonger: la nouvelle équipe épure, renouvelle, met au pas l'ancien personnel de l'administration et la paix revient. Au bout de vingt ans, on ne manque pas de généraux «républicains», si l'adjectif passe pour nécessaire à la carrière.
Alain n'aurait pas pris la lutte des gouvernants d'aujourd'hui contre les administrateurs d'hier pour modèle de la relation entre fonctionnaires et hommes politiques, entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel, s'il n’avait été un moraliste bien plus qu'un politique. Le spectacle des ouvriers ou des intellectuels français, venant en procession apporter leurs offrandes à un potentat oriental, nous rappellerait, s'il en était besoin, les conseils d'Alain: ne pas adorer le «Roi Pot», ou «le bâton blanc de l'agent», ou les planificateurs de l'existence collective. Mais la décomposition actuelle de l'État français nous rappelle aussi les limites de l'enseignement: il est trop facile de se donner, par hypothèse, une administration qui fonctionne et des citoyens disciplinés. Les citoyens n'obéiront jamais à l'État comme au «bâton blanc de l'agent», parce qu'ils demandent davantage à l'État et que celui-ci, en cas de besoin, n'hésite pas à exiger d'eux le sacrifice suprême. La confusion entre pouvoir temporel et pouvoir spirituel frappe à mort la liberté. L'hostilité entre ces deux pouvoirs, érigée en principe, frappe à mort l'État.
La politique de paix qu'Alain ou peut-être davantage ses disciples avaient tirée de la première guerre mondiale, ne pouvait pas avoir de portée universelle. L'histoire ne se répète pas, dit-on volontiers: il n'y a pas deux guerres identiques en leur déclenchement ou leur évolution.
La guerre de 1914 était particulièrement
non typique
. Elle éclata à la fin d'un demi-siècle de paix (en Europe), après un siècle où les guerres s'étaient insérées à l'intérieur du système de l'équilibre, le modifiant sans le bouleverser. En dépit des propagandes déchaînées, on ne saurait dire que, d'aucun des deux côtés, la guerre générale ait été l'objet d'une volonté résolue. À Vienne, on entendait donner une leçon à la Serbie, consolider l'édifice de la monarchie dualiste en mettant fin à la propagande des Slaves du Sud. À Berlin, on voulait ne pas perdre le dernier allié sûr qui évitait la solitude à un Reich «encerclé». L'assassinat de l'archiduc ouvrait une crise: il était concevable que la diplomatie parvînt à la résoudre. Même l'ultimatum autrichien n'obligeait pas à abandonner toute espérance. Maladresse des diplomates, précipitation des états-majors, résignation à la catastrophe tenue pour inévitable, toutes ces interprétations superficielles, à fleur d'événements, avaient une certaine vérité lorsqu’on les appliquait aux origines de la première guerre mondiale. Celle-ci fut à ce point horrible et absurde – il n'y avait pas de commune mesure entre les sacrifices et les objectifs, mal définis, de cette guerre interminable – que les intellectuels, formés par les doctrines humanitaires, ne pouvaient pas ne pas se révolter contre ce qui leur paraissait rechute dans la barbarie.
De 1933 à 1939, on ne se lassa pas d'éviter la guerre de 1914. «Croire à la guerre, c’est en aggraver le risque.» En quoi l'idée que le Français moyen se faisait de l'avenir, en 1933 ou en 1935, influait-elle sur les décisions de Hitler? Si aucune des deux partis ne veut la guerre, si le risque tient uniquement aux rivalités permanentes entre États souverains, la thérapeutique par l’optimisme ou par la confiance peut n'être pas sans efficacité. Lutter contre la propagande qui présenterait faussement le pays voisin, armé jusqu'aux dents et rêvant de conquêtes, interdire aux puissants de répandre une obsession injustifiée de menace extérieure, soit, mais à une condition: que le voisin n'ait authentiquement pas de mauvaises intentions, que la crainte d'agression ne soit pas fondée. La condition était-elle réaliste en 1913? À la rigueur, on pourrait le soutenir (j'ai, malgré tout, peine à l'admettre). En 1933 ou en 1936, elle ne l'était certainement, pas. L'action menée par certains disciples d'Alain contre les pouvoirs, contre la psychose de guerre, pour une volonté inépuisable de conciliation, allait en sens contraire des nécessités de la conjoncture.
Hitler et les siens ne doutaient nullement du pacifisme français. Ils misaient même sur lui en mars 1936, au moment où ils donnèrent aux troupes allemandes l'ordre d'entrer en Rhénanie. Ils étaient convaincus, à juste titre, que les Français, parce qu'ils détestaient l'idée même d'une nouvelle guerre, ne prendraient aucune mesure de force. Une politique de paix clairvoyante aurait visé à maintenir une situation dans laquelle Hitler n'aurait pu ni atteindre ses buts de conquête ni provoquer l'explosion. Cette situation existait aussi longtemps que la Rhénanie, démilitarisée, laissait la Ruhr à la merci de l'invasion. Le jour où cette situation fut modifiée, la guerre devenait quasi inévitable. Alain n'aurait pas dit le contraire? Probablement, mais il enseignait aux citoyens et même aux hommes d'État, à penser le problème en termes tout autres.
Là encore, l’explication me paraît être, autant que la généralisation illégitime d'une expérience particulière, la volonté du moraliste. Alain n'a certainement pas développé une théorie des guerres. Peut-être ne s’est-il même pas demandé pourquoi, depuis plus de six mille années, aucune civilisation, en aucun siècle, n'a échappé aux horreurs de la guerre. Il a posé la question: pourquoi l'homme est-il toujours prêt à se battre? Et la réponse, chargée de l’expérience des siècles, de Platon jusqu'à Freud, est belle et profonde. L'homme est un être de colère, il a peur, mais a honte de sa peur. S'il pense qu'on le taxe de lâcheté, il foncera en avant, pour témoigner à lui-même et aux autres de son courage. Le «message au peuple allemand», rédigé sur le front en 1916, est noble. «Voici donc la situation: deux peuples de bonne foi combattent pour l'honneur, pour leur indépendance, et il semble, de bonne foi, que chacun d'eux représente quelque chose d'unique dans l'histoire de la Justice. C'est même pour cela qu'ils se battent si bien.
«Cette guerre, unique dans l'histoire, ne peut se terminer comme d'autres guerres, par un coup de force ou par un abus de force quelconque. Qu'avons-nous donc à attendre des événements militaires? Réellement, nous ne demandons pas autre chose que d'être respectés et nous ne croyons pas que vous non plus demandiez réellement autre chose. Après deux ans de guerre, on peut dire ces choses-là.»
En fait, on ne pouvait pas dire ces choses-là. Par la faute des pouvoirs? À coup sûr. Mais les pouvoirs n’étaient pas animés par l'ivresse d'eux-mêmes. Si, d'un côté ou de l'autre, on était résolu à emporter une victoire totale, on se condamnait soi-même à ne pas tenir ce langage. Mais ce langage était digne, vrai. Avec le recul du temps, il apparaît, même aux yeux du politicien réaliste, que peut-être il était sage. La tragédie de l'Europe, c'est que l'on pouvait tenir ce langage en 1916, on ne pouvait plus le tenir en 1940, ou en 1942, ou en 1944, ou en 1951. De 1914 à 1918, la propagande a dû inventer des raisons de combattre à la mesure des événements. Depuis lors, on n'a plus eu besoin d'inventer.
La politique d'Alain tire tout à la fois force et faiblesse de son refus de reconnaître l'histoire. Faible quand elle méconnaît la particularité d'institutions ou d'idées et leur prête une signification universelle. Forte quand elle dégage certains traits permanents moins de la société que de la condition de l'homme en société.
Il serait utile de faire la discrimination dans
Mars ou la guerre jugée
, des jugements valables pour l'institution militaire en tant que telle, pour l'institution militaire telle qu’elle était en France, entre 1914 et 1918, avec des souvenirs et des prétentions aristocratiques, pour tout groupement d'action collective. L'intervalle entre les officiers et la troupe n’est pas resté, en Grande-Bretagne et aux États-Unis, ce qu’il était au début du XXe siècle, dans les armées du continent qui n'avaient pas oublié le temps où les officiers étaient nobles et les soldats de métier venaient des classes les plus basses de la nation. Les excuses du général Patton au soldat qu'il avait frappé dans un hôpital auraient offert à Alain l'occasion d'un complément à
Mars
.
Il demeure vrai, aujourd’hui comme hier, que le pouvoir corrompt et que le pouvoir absolu corrompt absolument. La critique est donc à toutes les époques nécessaires. Encore faut-il prendre garde de ne pas critiquer exagérément les pouvoirs limités qui ont besoin de soutien pour durer. Ni Louis XIV, ni Napoléon, ni Hitler, ni Staline ne risquent d'être embarrassés par la résistance des citoyens. Sans doute aurait-on eu tort d'adorer Poincaré, Clemenceau, Joffre ou Foch. Mais le danger était-il grand? Personne n'adore Attlee, en Grande-Bretagne, mais tout le monde le respecte. Les Français, formés par les traditions monarchiques et une administration centralisée, n’ont-ils le choix qu'entre la soumission et la révolte, tour à tour grognards et sujets, et jamais citoyens de bonne volonté? N'ont-ils pas la nostalgie de respecter, sinon d'aimer, ceux qui les commandent?
Politique française Articles 1944-1977
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