Un contre vingt-cinq
Réalités
juillet 1967
La naissance de l’État d’Israël, en 1948,
fut, selon le mot d’Arthur Koestler, un miracle. Elle marque aussi
le début d’une guerre qui dure depuis vingt ans et peut durer
encore des dizaines d’années.
Les États arabes, qu’ils soient gouvernés
par des rois, comme la Jordanie et l’Arabie saoudite, ou par des
chefs révolutionnaires, comme l’Égypte et la Syrie, s’accordent
pour refuser à Israël le droit même à l’existence.
Dans la vision arabe du monde, Israël est,
en tant que tel, une agression. Seules les circonstances commandent
les mesures à prendre contre l’agression: la morale de l’Histoire
les justifie toutes.
une solution...
Les citoyens juifs de l’État d’Israël sont
au nombre de deux millions et demi. D’ici la fin du siècle, qu’ils
soient quatre ou cinq millions, ils ne seront même pas un contre
vingt-cinq face aux pays arabes.
Dès aujourd’hui, pour se battre sur trois
fronts contre la Syrie, la Jordanie, l’Égypte, il leur a fallu
mobiliser 250.000 hommes et femmes, 10% de la population
totale.
Grâce à leur supériorité militaire, les
Israéliens ont provisoirement obligé leurs voisins à les tolérer.
Aux raids de commandos ils ripostaient par des opérations
punitives. Mais cette survie avait pour condition un rapport
présumé favorable des forces militaires. Sécurité précaire puisque,
à chaque instant, les pays arabes, en dépit ou plutôt à cause de
leurs querelles, sont tentés de s’unir contre l’ennemi commun. Et
il dépend alors d’une grande puissance d’accroître la tension par
l’envoi massif d’armes supplémentaires. L’action soviétique fut à
l’origine de la crise de ce printemps 1967. La victoire éclatante
des armées israéliennes a frappé le monde de surprise.
Pour éviter le pire, le seul espoir,
localement, est qu’Israël maintienne intacte sa capacité militaire,
donc scientifique et technique. Cet «espoir» signifie aussi une
course aux armements qui franchira probablement le seuil de
l’atome.
Perspective presque décourageante; chaque
crise ranime les haines et prépare de nouveaux massacres.
Les Arabes refusent la paix avec bonne
conscience: pourquoi, disent-ils, devrions-nous expier le génocide
commis par les Allemands? La défaite les contraint à un armistice
peut-être moins troublé, non à la paix. Seuls les Russes et les
Américains, s’ils parvenaient à s’entendre, seraient en mesure de
dicter les termes d’un règlement. Hélas, d’accord pour empêcher la
prolifération des armes nucléaires, soucieux de ne pas
s’entredétruire, les deux Grands ont trop d’intérêts opposés pour
régner ensemble. Hier, les observateurs superficiels craignaient, à
chaque instant, la lutte à mort des Géants. Aujourd’hui, les mêmes,
victimes d’une illusion de sens contraire, craignent ou espèrent un
condominium Washington-Moscou.
… la «bombe»?
La guerre du Viêt-nam a peut-être incité
Moscou à provoquer des troubles de diversion. En dehors même de ces
péripéties, l’essentiel demeure l’antagonisme entre les deux
Grands, moins idéologique qu’au temps de ce que l’on appelait la
guerre froide, atténué en Europe mais virulent presque partout
ailleurs.
Seule la commune hostilité à Pékin créa
«l’esprit de Tachkent», la médiation soviétique entre Inde et
Pakistan avec la bénédiction américaine. Au Moyen-Orient, la Chine
n’est pas présente et l’Union soviétique a tout avantage à dresser
les Arabes contre «l’impérialisme occidental».