Un ami de la France disparaît, William
Tomlinson
Le Figaro
6 mai 1955
Tous ceux qui, hommes politiques,
journalistes, hauts fonctionnaires, en France et en Europe, ont
participé de quelques manières aux grandes négociations économiques
et financières de l’après-guerre, ont appris avec stupeur le décès,
à Washington, à la fin du mois d’avril, de William Tomlinson.
Il avait été nommé, à 29 ans, représentant
de la Trésorerie américaine à Paris, dès les premiers jours de la
négociation du plan Marshall. En peu de mois, il acquit une
autorité exceptionnelle par la rapidité et la profondeur de son
intelligence et l’étendue de ses connaissances économiques et
financières. Il joua un rôle de premier plan dans la mise en œuvre
du programme de relèvement économique de la France.
Son séjour à Paris l’avait conduit à aimer
notre pays, avec parfois la passion qu’il apportait à toute chose.
Il savait le juger lucidement, mais était toujours le premier à le
défendre auprès de son gouvernement ou des gouvernements
étrangers.
Au cours des dernières années, il s’était
dévoué à la construction d’une Europe qu’il souhaitait inspirée par
la France. Dans ce rôle, il a pu parfois heurter certains de ceux
qui, animés d’un même idéal, souhaitaient une activité moins
impatiente. Seuls, ses amis personnels et lui-même savaient que,
sauf miracle, il était condamné à une mort prématurée et qu’il
voulait beaucoup dans un délai qu’il savait très bref.
Les États-Unis ont perdu en lui un
fonctionnaire qui, par son caractère, sa loyauté, sa compétence
exceptionnelle, a été un grand serviteur de son pays. La France et
l’Europe ont perdu un ami.