Affronter ses démons
Voici une très belle histoire tibétaine sur Milarepa (1052-1135), l’un des quatre grands théoriciens du bouddhisme tibétain. À la recherche d’anciennes grottes de montagne dans l’Himalaya pour y méditer, Milarepa se trouva un jour dans une grotte habitée par des démons qui le distrayaient de ses pratiques méditatives.
Il essaya tout d’abord de les mater, mais ils ne se laissèrent pas faire. Alors il décida de les honorer et d’étendre à eux son amitié et sa compassion. La moitié d’entre eux partirent. Il accueillit du fond de son cœur ceux qui restaient et les invita à revenir quand ils le voulaient. Face à cette invitation, tous les démons à l’exception d’un seul, particulièrement féroce, disparurent comme par enchantement. Sans tenir compte de son propre corps et avec un amour et une compassion extrêmes, Milarepa alla jusqu’au démon et plaça sa tête à l’intérieur de sa bouche en signe d’offrande. Le démon disparut sans laisser de trace et ne revint jamais.
Songez à l’histoire de Milarepa la prochaine fois que vous êtes en proie à vos démons intérieurs – émotions et états mentaux que vous trouvez difficiles ou déplaisants. Imaginez ce qu’il adviendrait si vous les accueilliez au lieu d’essayer de vous en débarrasser !
Beaucoup, et plus particulièrement les femmes, s’interdisent de se mettre en colère, car ils n’ont jamais eu le droit, même petits, d’exprimer ce sentiment. Ils dépensent alors une énergie colossale pour essayer de contourner ce sentiment. Certains entretiennent de vieux ressentiments ou une colère quasi permanents, sans même parfois en être conscients.
En méditant sur votre colère, vous remarquerez peut-être à quel endroit du corps et sous quelle forme elle se fait sentir. Quelle partie du corps se contracte et se tend ? Notez-vous un changement dans votre respiration ? À quel endroit l’énergie s’accumule-t-elle ? Tout en continuant de porter votre attention sur cette colère, remarquez-vous un quelconque changement ? Dure-t-elle longtemps ? A-t-elle un début et une fin ?
Portez ensuite votre attention sur votre esprit. Quels sont les pensées et les images qui accompagnent ce sentiment de colère ? Est-ce à vous que vous en voulez ou rejetez-vous la responsabilité sur les autres ? Que trouvez-vous si vous creusez un peu et allez voir sous la première couche de votre colère ? À ma connaissance, la colère naît souvent d’une réponse à l’une des deux émotions plus profondes que sont la blessure et la peur. Lorsque vous vous sentez blessé, comme je l’étais par la trahison de ma petite amie, vous pouvez exploser de colère contre celui qui vous a fait mal. Face à la peur, vous vous protégez avec l’épée et l’armure de la colère plutôt que de reconnaître cette peur, même vis-à-vis de vous. Sous la blessure et la peur, la colère masque une couche encore plus profonde de désir que les choses se fassent d’une certaine façon et pas d’une autre. Lorsque les circonstances changent et ne suivent plus vos plans, la crainte et l’offense que vous ressentez alors se traduisent par la colère.
Comme avec toutes les émotions, mettez de côté tout jugement ou résistance pour affronter directement votre colère. Même si elle s’intensifie avant de se relâcher, restez avec elle. Sous la colère peuvent se trouver de profondes sources de puissance, que vous pourrez peut-être parvenir à susciter sans vous mettre en colère.