Tourner son attention vers l’intérieur
Comme le dit le proverbe chinois, « un voyage de mille li a commencé par un pas ». (le li est une mesure itinéraire chinoise qui vaut environ 600 m.) Pour la méditation, ce premier pas, simple mais essentiel, consiste à détacher son esprit des préoccupations extérieures – ou de l’interprétation faite de ces événements – pour le tourner vers l’expérience sensorielle intérieure.
La plupart d’entre nous sont trop accaparés par ce qui se passe autour d’eux – le regard des autres, les paroles des proches ou des collègues, les dernières nouvelles ou les messages s’affichant sur la multitude d’écrans qui ont envahi le monde – pour prêter la moindre attention à ce qui se passe à l’intérieur de leur esprit, de leur corps ou de leur cœur. La culture populaire nous enseigne que le bonheur et la satisfaction sont à chercher à l’extérieur de nous. Dans un monde aussi déroutant et fascinant, même la plus petite prise de conscience de soi prend des allures de défi titanesque.
Accordez-vous maintenant quelques minutes pour recentrer votre esprit et prêter attention à ce que vous éprouvez. Vous remarquerez à quel point il vous est difficile de détacher votre esprit des centres d’intérêt extérieurs pour l’amener vers une simple expérience sensorielle. Notez comment votre esprit est activement occupé à voleter d’une pensée et d’une image à l’autre, tissant une sorte de trame dont vous êtes le centre.
Les
schémas habituels sont si solidement ancrés qu’il faut un courage
et une patience extraordinaires pour effectuer un acte aussi
inoffensif que ramener inlassablement son attention à un point de
focalisation intérieur comme la respiration. L’aventure en terrain
pratiquement inconnu fait peur à double titre : vous ne savez
pas ce que vous allez découvrir à l’intérieur et vous ne savez pas
non plus ce que vous allez rater à l’extérieur ! Le
basculement de l’extérieur vers l’intérieur est le mouvement simple
mais fondamental sans lequel la méditation est
impossible.
Le mouvement dont je parle peut se décliner sous plusieurs dimensions :
Du contenu au procédé : plutôt que d’être absorbé par le sens de ce que vous éprouvez, sentez ou pensez, faites porter votre intérêt et votre attention sur le déroulement de l’expérience. Regardez par exemple votre esprit voleter d’une pensée à une autre ou prenez simplement conscience que vous êtes en train de penser au lieu de vous perdre dans vos réflexions ou vos rêves. De même, au lieu d’être paralysé par la peur, observez l’évolution des ondes de tension dans votre ventre – ou contentez-vous de noter l’existence de ce sentiment.
De l’extérieur vers l’intérieur : au départ, il vous faut faire basculer votre tendance à être orienté vers l’extérieur en prêtant attention à votre expérience intérieure. Avec de la pratique, vous parviendrez à une qualité de conscience similaire pour chaque expérience, extérieure comme intérieure.
De l’indirect au direct : encore plus utile que la dimension précédente, celle-ci permet de faire la distinction entre l’expérience indirecte et l’expérience directe. La première a subi le filtrage et la distorsion de l’esprit, tandis que la seconde est diffusée par les sens ou toute autre forme de conscience directe. En plus de la porter vers l’intérieur, la méditation détourne votre attention des histoires élaborées par l’esprit pour la diriger vers l’expérience directe elle-même.
De faire à être : comme la plupart d’entre nous, vous consacrez pratiquement tous vos moments d’éveil à courir d’une activité, d’un projet ou d’un travail à un autre. Vous souvenez-vous seulement de l’impression que procure le seul fait d’être ou d’exister, comme quand vous étiez bébé ou enfant et que vous passiez les chauds après-midi d’été à jouer ou vous prélasser sur la pelouse ? Grâce à la méditation, vous retrouvez ce temps béni d’être sans faire.