Penser et sentir avec l’esprit du méditant
Pour ceux qui craignent que la méditation les empêche de penser ou d’avoir des sentiments, voici quelques distinctions utiles que j’ai empruntées à mon professeur Jean Klein, auteur de plusieurs ouvrages dont Qui suis-je, À l’écoute de soi.
Jean Klein distingue la pensée ordinaire de la pensée créative ; la pensée fonctionnelle et la mémoire psychologique ; l’émotivité et l’émotion. (Même s’il enseigne une approche directe de la vérité spirituelle par l’investigation sur soi plutôt que la méditation, j’ai pris la liberté d’appliquer ses visions intérieures, car je crois qu’elles sont tout aussi utiles à la pratique de la méditation.)
- Pensée ordinaire contre pensée créative. Lorsque l’esprit débite des suites interminables de pensées liées les unes aux autres comme des wagons de marchandises, sans aucun espace entre elles, vous vous retrouvez piégé dans un processus de pensée claustrophobe qui ne laisse pas de place aux pensées fraîches et originales ou aux solutions à vos problèmes. Inversement, un esprit ouvert et non meublé, comme aime à le décrire Jean Klein – un état d’esprit que vous pouvez cultiver en méditation – comporte de nombreux espaces intérieurs pour accueillir les pensées créatives qui bouillonnent depuis la source de votre être pur. À l’opposé des pensées ordinaires, ces pensées sont en tous points appropriées à la situation présente.
- La mémoire psychologique contre la pensée fonctionnelle. Plus vous méditez, plus vous libérez votre esprit de la mémoire psychologique, cette pensée turbulente, obsessionnelle et égocentrique produite par vos histoires, qui se concentre sur la personne fragmentée et séparée que vous pensez être. Vos pensées deviennent alors essentiellement fonctionnelles, surviennent en réponse à des circonstances et se taisent lorsqu’elles ne sont plus utiles.
- L’émotivité contre l’émotion. De même, les émotions violentes et dérangeantes qui semblent parfois diriger votre vie – que Jean Klein nomme l’émotivité – prennent en réalité racine dans vos histoires et non dans la réalité et ont par conséquent pas grand-chose à voir avec les vraies émotions. Plus imperceptible que l’émotivité et enracinée dans l’amour, l’émotion vraie jaillit naturellement de l’être lui-même, en réponse à des situations où le sentiment illusoire de séparation a diminué ou disparu grâce à la pratique de la méditation – ou de toute autre pratique spirituelle telle la recherche de soi.
J’ai un autre ami, entrepreneur indépendant, bardé de diplômes, qui a fait d’innombrables formations d’apprentissage mais qui est intimement convaincu d’être par nature indigne. Il n’arrive pas à se départir de ce sentiment, même en travaillant comme un forcené. Il n’apprécie pas réellement son travail, poursuivi par la peur de l’échec ou l’impression que les autres conspirent pour le discréditer ou saper ce qu’il fait. Dans ces deux exemples, l’image que mes amis ont d’eux-mêmes et leur interprétation des événements de leur vie déterminent leur attitude face à la vie : joie pour l’un, stress pour l’autre.
Une grande partie de nos souffrances et de notre stress résulte non pas de nos expériences en elles-mêmes, mais de la turbulence et de la confusion intérieures à travers lesquelles ces expériences sont filtrées et déformées. Bonne nouvelle : la méditation calme les eaux agitées du cœur et de l’esprit, transforme une partie de la claustrophobie intérieure en espace et permet de passer les filtrages (ou de les éviter) pour aborder la vie plus directement – et réduire ainsi le stress. Avant d’expliquer les mécanismes de la méditation, nous allons voir comment sont nés le stress et la souffrance.