Le mythe de la vie parfaite
Au cours de ma carrière de psychothérapeute et de professeur de méditation, j’ai remarqué que beaucoup de personnes souffraient uniquement parce qu’elles comparaient leur existence à une image idéalisée de ce que devrait être la vie. Amalgame hétéroclite de conditionnement infantile, de messages médiatiques et de désirs personnels, cette image erronée est tapie dans l’ombre et fait office de référence à laquelle tout succès, échec, événement est comparé et jugé. Arrêtez-vous un instant pour analyser votre propre image de la vie.
Peut-être avez-vous consacré toute votre énergie à atteindre un statut et une position sociale confortables : deux enfants, une maison en banlieue (ou grande banlieue), une brillante carrière, bref, ce que Zorba le Grec nommait « le désastre total ». Après tout, c’est ce que vos propres parents avaient (ou au contraire n’avaient pas) et vous considérez que vous vous devez de réussir, pour eux et pour vous-même. Mais à présent, vous jonglez avec deux emplois pour pouvoir mettre de l’argent de côté et payer les crédits, votre mariage bat de l’aile et vous culpabilisez de ne jamais avoir de temps à consacrer à vos enfants.
Vous pensez peut-être que le bonheur suprême viendrait à vous si seulement vous parveniez à atteindre une silhouette ou un physique parfait. Le hic est que les régimes ne fonctionnent pas, que vous êtes fâché avec tout exercice et que vous avez envie de vous évanouir à chaque fois que vous vous regardez dans la glace. Ou bien, vous faites partie de ceux qui croient que le nirvana terrestre se trouve dans la relation parfaite. Malheureusement, vous approchez la quarantaine, la personne que vous attendez ne se présente toujours pas et vous parcourez fébrilement les petites annonces de rencontres redoutant secrètement d’être atteint d’une terrible maladie sociale.
Peu importe l’image idéalisée que vous avez de la vie – amour parfait, santé de fer, paix sans nuage ni stress ni tension, vacances éternelles – vous payez très cher ces désirs inaccessibles. Lorsque la vie ne répond pas à vos attentes – ce qui se produit immanquablement – vous souffrez et vous vous tenez responsable de cet échec. (Faites-moi confiance, je suis tombé plusieurs fois dans le piège !). Si seulement vous aviez plus d’argent, plus de temps pour rester à la maison, un conjoint plus aimant, si vous pouviez reprendre vos études, perdre les kilos superflus… et on pourrait continuer ainsi à l’infini. Quoi que vous fassiez, vous avez l’impression de ne pas posséder les qualités requises.
N’oublions pas la petite minorité de ceux qui sont parvenus à obtenir tout ce qu’ils désiraient. Mais maintenant, ils s’ennuient et attendent encore plus de la vie – tout du moins lorsqu’ils ne consacrent pas tout leur temps et leur énergie à protéger et contrôler ce qu’ils ont déjà acquis !
Les grandes traditions méditatives délivrent un message plus humain : la vie idéale sur terre est un mythe. Comme le dit un vieux dicton chrétien « L’homme propose, Dieu dispose. » Ou dans sa version plus populaire « Si vous voulez faire rire Dieu, faites-lui part de vos projets ». Ces traditions rappellent qu’il existe dans l’univers des forces en jeu bien plus puissantes que vous et moi. Vous pouvez envisager, vouloir, lutter et tenter l’impossible pour contrôler ce que vous désirez – et même obtenir un succès minimal – à long terme, vous et moi n’avons qu’une maîtrise extrêmement limitée sur les évènements de notre propre vie !