Creuser un chemin vers la liberté
On trouve dans les grandes traditions méditatives cette histoire d’un prisonnier condamné à perpétuité pour un crime qu’il n’a pas commis. Dans un premier temps, il se lamente sur son sort et cède à des rêves de revanche et de regrets, puis il se rebelle et décide de retrouver la liberté, quelles qu’en soient les conséquences. Il commence alors à creuser un trou dans le mur de sa prison à l’aide d’une petite cuillère – un peu comme Tim Robbins, dans À l’ombre de Shawshank, (le drame américain réalisé par Frank Darabont, d’après un roman de Stephen King).
Et il a creusé jour après jour, semaine après semaine, année après année, progressant lentement mais sûrement. Un beau jour, épuisé par son travail, il s’affale contre la porte de sa prison – qui cède sous son poids ! D’un coup, il réalise que pendant toutes ces années où il a trimé comme un forçat pour essayer de s’évader, la porte de la liberté était grande ouverte – et qu’il ne s’en serait peut-être jamais aperçu s’il n’avait pas travaillé aussi dur pour sortir !
L’idée maîtresse de cette histoire est simple : si vous pratiquez votre méditation avec régularité et constance, à un moment donné, tous les efforts disparaîtront, la porte s’ouvrira en grand, vous laissant présent, conscient, détendu et en paix.
Si ces moments semblent très ordinaires lorsqu’ils surviennent, ils ont un grand pouvoir de guérison sur le corps et l’esprit, car ils offrent une brève vision de votre intégrité et de votre plénitude essentielles, libérées des couches superficielles de conditionnement et de lutte.
Le paradoxe est que la porte est toujours ouverte et qu’il est toujours possible d’apercevoir votre vraie nature – dans un regard amoureux, le rire d’un enfant ou le silence des arbres – mais qu’il faut parfois des années d’efforts et de pratique pour tomber par hasard dessus. Au risque de me répéter, certains ne la rencontreront jamais !
Lorsque je suis sur ma planche, seul avec le vent et le ciel, je suis atrocement conscient de ma petitesse et de mon insignifiance face à la puissance redoutable de la mer. Il serait présomptueux de ma part de dire que je surfe la vague – car en réalité ce sont les vagues qui me surfent !
Je sais que je ne peux absolument pas essayer de contrôler l’eau. Et pourtant, il me faut effectuer un effort pour me concentrer sur la houle, pagayer au bon moment et me placer au bon endroit pour prendre la vague à son sommet si je veux qu’elle me ramène au rivage. Je dois rester concentré au moindre mouvement de bascule de mon corps pour conduire la vague aussi intégralement que possible.
La méditation est comme le surf : si vous poussez trop et essayez de contrôler votre esprit, vous finirez par vous sentir enfermé et à l’étroit et vous terminerez lessivé par votre effort. Inversement, en restant derrière sans fournir le moindre effort, vous n’aurez pas la concentration nécessaire pour garder l’équilibre lorsque les vagues de pensées et d’émotions vous balayeront.
Comme le surf, le ski ou tout autre sport, la
méditation requiert un équilibre en constant changement entre le
yang et le yin, l’effort et l’aisance, entre diriger ou suivre.
Comme je l’ai déjà dit au chapitre 1, la concentration est le yang
de la méditation – focalisée, puissante et
pénétrante – tandis que la conscience réceptive
représente le yin – ouverte, élargie, accueillante. Même
si vous devez fournir un effort considérable au début pour
simplement développer votre concentration, vous ne devez être ni
tendu ni obsédé par le résultat. Votre effort doit être aussi aisé
que celui d’un surfer chevronné.
Au bout d’un moment, vous serez capable de vous concentrer très naturellement et de maintenir cet état sans trop d’effort, ce qui vous permettra de vous détendre et d’ouvrir votre conscience à tout ce qui vient. Les notions mêmes de yin et de yang (conscience et concentration) disparaîtront progressivement pour seulement vous laisser être – avec un effort sans peine – , objectif ultime de la méditation.
Outre l’effort sans peine, la méditation soulève
un certain nombre de paradoxes que l’esprit ne saisit pas
facilement mais que le corps et le cœur comprennent sans
difficulté. Pour pratiquer la méditation, il est utile
d’être :
Sérieux mais gai : après tout, la méditation vise à atteindre l’illumination – pourtant si vous êtes trop sérieux, vous ne ferez aucun progrès.
Vigilant tout en étant détendu : apprenez à trouver un équilibre entre ces deux qualités dans vos méditations. Trop détendu, vous risquez de vous endormir ; trop vigilant (c’est-à-dire énervé), vous êtes trop tendu.
Spontané tout en étant réservé : vous pouvez être totalement immergé « dans l’instant » et ouvert à tout ce qui surgit dans votre conscience sans devenir impulsif ou céder à un caprice ou un rêve.
Impliqué tout en restant impartial : pendant que vous êtes concentré et attentif, évitez de vous laisser embarquer par les histoires fascinantes et chargées d’émotions créées par votre esprit.
