Apprécier le caractère éphémère des choses
Dans son livre Pensées sans penseur, le psychanalyste Mark Epstein raconte son enseignement par le maître de méditation Thai Achaan Chaa. « Vous voyez ce verre ? » demande Achaan Chan. « Pour moi, ce verre est déjà brisé. Je l’apprécie. Je bois dedans. Il garde admirablement bien mon eau, reflétant même parfois le soleil en de jolis dessins. Si je lui donne un petit coup, il produit un joli tintement. Mais lorsque je range le verre sur l’étagère et que le vent le renverse ou que je l’effleure sur la table avec ma manche et qu’il tombe à terre et se brise, je dis « évidemment ». Lorsque je comprend que ce verre est déjà cassé, chaque moment de sa présence est précieux. »
En dépit des avantages incontestables de tous les gadgets électroniques devenus indispensables depuis les années 1980, vous avez peut-être remarqué que plus vous communiquiez vite, moins vous aviez de véritable contact riche et sérieux avec les autres. Un dessin humoristique paru dans l’hebdomadaire américain Newsweek illustre cette idée. Intitulé « les vacances des années 90 », on y voyait une famille sur la plage, chaque membre ayant en main son propre appareil électronique : la mère avec le portable, le père sur Internet, un des enfants réceptionnant un fax, un autre répondant à son bip-bip, un troisième écoutant son courrier vocal – tous inconscients de la présence des autres !
Ces
changements incessants ont un prix émotionnel et spirituel élevé
que l’on a tendance à démentir dans notre effort collectif pour
accentuer l’aspect positif et nier le négatif. Voici quelques-uns
des effets secondaires négatifs de la vie de notre
époque :
L’anxiété et le stress : lorsque le sol commence à trembler sous vos pieds, votre première réaction alors que vous essayez de rétablir votre équilibre, de vous alarmer ou d’avoir peur. Cette réponse des tripes a été génétiquement programmée par des millions d’années de vie dangereuse. Aujourd’hui, malheureusement, les secousses ne s’arrêtent plus et les petites peurs s’accumulent et se figent en tension et stress continuels. Votre corps se sent perpétuellement préparé à affronter la prochaine attaque de difficultés et de responsabilités – l’empêchant pratiquement de se relaxer et d’apprécier un tant soit peu la vie. En décontractant votre corps et réduisant votre stress, la méditation peut vous apporter un antidote bienvenu.
La fragmentation : Autrefois, les gens vivaient, faisaient leurs courses, travaillaient, élevaient leurs enfants et se divertissaient au sein d’une même communauté. Tous les jours, ils voyaient les mêmes visages, se mariaient pour la vie, gardaient le même emploi et voyaient même leurs enfants élever leurs propres enfants tout près d’eux. Aujourd’hui, beaucoup habitent loin de leur lieu de travail, les enfants sont confiés à des nourrices, des baby-sitters et nous sommes obligés de gérer les emplois du temps de chacun au téléphone ! Il est devenu de plus en plus improbable de garder le même travail toute sa vie, ni même d’ailleurs le même conjoint. Bien souvent, les enfants grandissent et partent à leur tour chercher du travail. S’il est impossible d’empêcher cette fragmentation, la méditation permet d’établir un lien avec une intégralité plus profonde que les événements extérieurs ne viennent pas perturber.
L’aliénation : Ne soyez pas surpris de vous sentir totalement stressé si votre vie semble n’être constituée que de bric et de broc. En dépit des statistiques et indices de prospérité, nombreux sont ceux qui subsistent avec un travail purement alimentaire, qui ne sert qu’à payer les factures sans donner ni but ni sens des valeurs. La tendance actuelle serait à un retour dans les petites villes pour retrouver le sens de la communauté. À chaque élection, la désertion des bureaux de vote s’amplifie, de plus en plus de gens ne croyant plus en leur pouvoir de faire changer les choses. Jamais auparavant les hommes ne s’étaient sentis si aliénés, non seulement de leur travail et de leur gouvernement mais aussi des autres, d’eux-mêmes et de leur propre être essentiel. Et la plupart n’ont pas la capacité ou le mode d’emploi pour se reconnecter ! En comblant le gouffre qui nous sépare de nous-même, la méditation permet de guérir notre aliénation envers les autres et le monde dans son ensemble.
La solitude et l’isolement : la difficulté de trouver un emploi, l’éclatement des ménages et le manque de temps a abouti à l’éloignement des membres de la famille qui perdent contact avec ceux qu’ils connaissent et chérissent. J’ai entendu récemment sur une radio américaine une publicité vantant les mérites d’un pack Net pour la famille. Puisque les dîners en famille étaient devenus obsolètes, pourquoi ne pas acheter un Family Net – un téléphone portable pour le père, la mère et les enfants afin qu’ils puissent rester en contact ! Difficile de résister aux forces qui nous séparent ! Grâce à la méditation, chaque moment ensemble se transforme en un moment « de grande qualité ».
La dépression : la solitude, le stress, l’aliénation, l’absence de sens ou d’objectif profondément ancré conduisent certaines personnes à la dépression. Dans un pays recordman de la consommation de tranquillisant et d’antidépresseurs ou le Prosac® est devenu un terme ménager, plusieurs millions de personnes avalent quotidiennement des médicaments psychotropes pour ne pas souffrir de la vie moderne. La méditation, elle, vous aide à vous connecter avec votre source intérieure de bien-être et de joie qui dissipe naturellement les nuages de la dépression.
Les maladies liées au stress : L’augmentation progressive des maladies liées au stress – qu’il s’agisse de céphalées hypertensives, de brûlures d’estomac, de maladies cardiaques ou de cancers – reflète notre incapacité collective à gérer l’instabilité et la fragmentation de notre époque. Elle alimente en outre l’industrie pharmaceutique qui ne parvient à masquer que par moments les problèmes plus profonds de peur, de stress et de désorientation. Comme l’ont montré bon nombre d’études scientifiques, la pratique régulière de la méditation permet de renverser les attaques de maladies liées au stress. (Reportez à la section intitulée « Comment survivre au XXIe siècle – avec la méditation » plus loin dans ce chapitre.)
