Épilogue
Il n’y a rien de meilleur au monde que de voler aux premières lueurs du jour, disons aux alentours de six heures.
Même à cinq mille mètres d’altitude, je parvenais toujours à distinguer la couleur des voitures qui avançaient comme des fourmis sur l’autoroute du New Jersey. Quel bonheur de pouvoir à nouveau tournoyer dans les airs, de déployer mes ailes en grand, de détendre mes muscles courbatus. On volait chacun de notre côté, dispersés, dans un ballet imprécis qui nous amenait dans le sillon de l’un puis de l’autre. On souriait sans raison particulière, juste heureux d’être réunis dans le ciel, loin au-dessus de la terre, de ses mystères, de nos blessures.
Total avait l’air d’apprécier le sifflet du vent dans sa fourrure et l’altitude ne semblait pas encore le gêner pour respirer. Je sentais que les autres étaient excités à l’idée de retrouver leurs parents et je savais que je leur tiendrais la main tout le long du chemin, aussi long soit-il.
Fang m’a jeté un regard par-dessus l’épaule. Son visage semblait calme, impassible. Pourtant, je pouvais presque sentir les frissons d’impatience qui couraient sur ses plumes. Je lui ai décoché un sourire et il a eu des étincelles dans ses yeux sombres.
Fang. Il fallait que je réfléchisse un peu à lui.
Et à moi.
Une fois à Washington, ce serait ou bien génial, ou bien la cata. Iggy était persuadé que de retrouver ses parents lui assurerait la sécurité, la liberté et le bonheur pour l’éternité. Moi j’étais moins naïve.
Savoir, savoir est un redoutable fardeau, Max, a fait ma Voix. Un soupir m’a échappé. T’es toujours là, toi.
C’est une arme à double tranchant, a repris la Voix. Ça peut t’aider comme ça peut te mettre plus en danger que tu ne l’as jamais été.
C’est bon, j’avais pigé. Mais ce n’était pas ça qui allait m’en empêcher.
Max, ta mission dépasse le simple fait de trouver les parents de tes amis. Concentre-toi sur la façon d’aider le monde, pas juste ta famille.
J’ai stabilisé mes ailes et je me suis laissé porter pendant longtemps, très longtemps par un courant d’air chaud ascendant. C’était comme de flotter sur un nuage. La meilleure des sensations possibles et imaginables. Si seulement vous pouviez essayer avec moi. Une autre fois peut-être.
Tu sais, la Voix, ai-je finalement pensé. Mon monde à moi, c’est justement ma famille.
À suivre…