113.
Le lendemain matin, Fang est revenu de la ville avec le New York Post qu’il a posé à mes pieds avec un petit salut de la tête. J’ai feuilleté le journal. Page six, j’ai lu « Les mystérieux enfants-oiseaux sont introuvables ».
— Pas mal, ai-je lâché, on a tenu deux jours sans créer d’agitation dans un lieu public et sans faire la une de tous les journaux.
— On va nager ! a fait Nudge en donnant deux petites tapes à Iggy sur la main.
Ce dernier s’est levé pour la suivre en direction de l’eau, ainsi qu’Angel et Gazzy.
Le soleil avait percé et ils ne semblaient pas dérangés par la fraîcheur de l’eau. Ça me faisait plaisir qu’ils prennent du bon temps pendant ces petites vacances. Tout ce qu’ils avaient à faire, c’était s’amuser, nager et manger. Pas de stress ni de choses à penser.
Évidemment, moi, je continuais à stresser.
À mes côtés, Fang lisait le journal tout en piochant distraitement dans une boîte de cacahuètes comme un automate. Pendant ce temps, j’observais les petits qui jouaient dans l’eau. Iggy s’est mis à faire un château de sable, juste au bord de l’eau.
Comment se faisait-il que les Erasers ne nous aient pas encore trouvés ? Parfois, ils nous trouvaient super facilement et d’autres fois, comme maintenant, c’était comme si on était trop bien cachés pour eux. Pouvaient-ils me localiser grâce à ma puce ou pas ? Et si c’était le cas, pourquoi les Erasers n’étaient-ils toujours pas là ? C’était comme s’ils jouaient avec nous en nous forçant à rester vigilants… Comme s’ils jouaient avec nous…
Un jeu. Un putain de jeu.
Tout juste ce que Jeb avait dit à l’École. Et comme la Voix me le répétait tout le temps, que tout n’était que jeu, qu’on apprend en jouant, que tout ça, absolument tout, n’était qu’un test.
J’avais l’impression que les néons d’une enseigne lumineuse venaient de s’allumer sur mon front. Pour la première fois de ma vie, je me disais qu’en effet, tout ça n’était peut-être qu’un jeu tordu et de la plus haute importance pour les malades qui y jouaient.
Et, bien sûr, j’avais hérité du rôle principal.
Je laissais couler le sable entre mes doigts tout en me creusant les méninges. Bon. Imaginons que tout ça ne soit qu’un jeu. Y avait-il seulement deux camps ? Ou bien se pouvait-il qu’il y ait des agents doubles ?
J’ai ouvert la bouche pour me confier à Fang, mais je me suis retenue au dernier moment. Il m’a lancé un regard intrigué qui, tout à coup, m’a fait froid dans le dos rien que de penser que… J’ai baissé la tête. Je sentais que je rougissais.
Et si nous n’étions pas tous dans la même équipe ?
D’un côté, j’avais honte d’avoir ce genre de pensées, mais de l’autre, je ne me rappelais plus combien de fois mon exquise paranoïa nous avait sauvé les fesses.
J’ai jeté un œil en direction de l’eau où Angel éclaboussait le Gasman dans un éclat de rire. Elle a plongé sous l’eau et Gazzy s’est mis à la poursuivre.
Angel avait-elle changé depuis son « passage » à l’École ? J’ai émis un petit bruit de plainte et j’ai laissé tomber ma tête dans mes mains. C’en était trop ! Si je ne pouvais même plus faire confiance à ces cinq-là, alors la vie ne valait plus le coup.
— Mal à la tête ? a interrogé Fang, vigilant mais toujours aussi zen.
Dans un soupir, j’ai fait non de la tête avant de regarder à nouveau la mer. Ma vie dépendait de Fang. J’avais besoin de lui. Il fallait absolument que je puisse lui faire confiance. Non ?
Gazzy étudiait la surface de l’eau avec une expression confuse. Pour finir, il a levé les yeux vers moi et j’ai lu la panique sur son visage.
Angel n’était pas remontée de sous l’eau.
J’ai piqué un sprint illico presto.