114.
— Angel ! ! ! ai-je hurlé avant de me jeter dans l’eau. (Je suis arrivée à la hauteur de Gazzy et je l’ai saisi par l’épaule.) Où est-ce qu’elle a plongé ?
— Juste ici ! m’a-t-il montré. Elle est partie dans cette direction.
Fang m’a rejointe en m’éclaboussant malgré lui. Nudge et Iggy sont arrivés à leur tour. Tous les cinq, on scrutait l’eau. Froide et gris-bleu, elle ne nous laissait entrevoir que quelques centimètres en surface. Une vague est passée entre nous.
— L’idéal serait que l’un d’entre nous ait une vue à rayons x, ai-je marmonné.
Mon sang s’est glacé en sentant un courant presser contre mes jambes sous l’eau. Le vent lissait les draps de la Grande Bleue en direction du large.
— Angel ! hurlait Nudge, les mains en porte-voix.
— Angel !
Je faisais de grands pas dans l’eau, dans l’espoir de la frôler au passage.
Fang poursuivait ses larges mouvements de bras, le visage collé à la surface de l’eau. On plongeait à tour de rôle dans les vagues pendant que les autres continuaient à chercher, plissant les yeux sous l’éclat du soleil.
J’avais la gorge nouée, la sensation d’étouffer. Ma voix n’était plus qu’un bruit rauque, étranglé. Mes yeux me piquaient à cause du soleil et du sel.
On avait couvert le périmètre sur un rayon d’une trentaine de mètres, mais toujours aucun signe d’Angel. Ma petite Angel. J’ai jeté un œil vers le rivage, comme si j’espérais la voir remonter sur la plage en direction de Céleste qui l’attendait sagement, près d’un bout de bois flottant.
Les minutes s’égrenaient. Interminables.
Les courants sous-marins, violents, m’emportaient. Je ne cessais d’imaginer le corps d’Angel, rejeté vers le large, les yeux exorbités de terreur. On ne pouvait pas la perdre maintenant, pas après tout ce qu’on avait traversé, si ?
— Tu vois quelque chose ? ai-je hurlé à Fang.
Il a secoué la tête, sans quitter des yeux la surface de l’eau, sans interrompre ses mouvements de bras.
On a tout passé au peigne fin une deuxième fois. L’eau, la plage, le large.
Après, on a recommencé encore une fois.
Et encore une fois.
J’ai aperçu quelque chose et, un battement de paupières plus tard, j’ai scruté dans la direction avec insistance.
Est-ce que… c’était… Oh ! À des centaines de mètres de là, une petite tête blonde, les tresses mouillées, a surgi de l’eau. J’ai regardé à deux fois pour être sûre. Oui, c’était bien Angel, debout, de l’eau jusqu’à la taille, en train de nous faire signe. Mes jambes se sont dérobées sous moi. Il fallait que je me ressaisisse avant de faire un plat dans l’eau. Angel et moi, on s’est ruées l’une vers l’autre, les autres derrière moi.
— Angel. (J’avais même du mal à murmurer, n’en croyant pas mes yeux, une fois tout près.) Angel, où t’étais ?
— Vous ne devinerez jamais… a-t-elle lancé, absolument ravie. J’arrive à respirer sous l’eau.