35.
Je me suis réveillée couverte de pansements. Il faisait chaud, j’étais au sec et en sécurité.
Mais j’avais aussi envie de mourir.
Comme d’habitude quand je me réveillais, j’ai paniqué un court instant, le temps de comprendre où j’étais. Mon cerveau a traité l’information « papier-peint-à-fleurs » ainsi que « lit-douillet-au-parfum-de-lessive ». J’ai regardé en direction de mes pieds. Je portais un T-shirt trop grand pour moi sur lequel il y avait un personnage de dessin animé que je ne connaissais pas.
J’étais chez Ella. Alors que j’aurais dû être en train de secourir Angel, sous réserve qu’elle soit toujours en vie. Quant à Fang et Nudge, ils étaient probablement occupés à enfoncer des aiguilles dans une poupée vaudou baptisée Max. Je ne pouvais pas leur en vouloir.
Maintenant que j’étais complètement réveillée, la douleur cuisante dans mon épaule et dans mon aile a recommencé à me lancer, irradiant comme une étoile. Arrgh. Je me souvenais de la fois où je m’étais démis l’épaule, alors que Fang et moi on se battait pour rire. Ça m’avait fait tellement mal. Je baladais la main sur mon épaule d’un pas chancelant, au bord des larmes. Jeb m’avait calmée en me parlant, en détournant mon attention jusqu’au moment où, quand je m’y attendais le moins, il l’avait remise en place d’un coup sec. La douleur avait instantanément disparu. Il m’avait souri, avait dégagé les mèches trempées de sueur sur mon front et il était allé me chercher de la limonade. À l’époque, je m’étais dit : C’est un truc de Papa. En fait, c’est même mieux qu’un papa.
Jeb continuait de me manquer cruellement. Ma gorge s’est serrée rien que d’y penser.
Quand tout à coup, je me suis figée en voyant la porte de ma chambre s’ouvrir très, très délicatement, en silence.
Va-t’en ! m’envoyait comme message mon cerveau tandis que je serrais les draps dans mes poings. Envole-toi !
J’ai aperçu les yeux noisette d’Ella, curieux et impatients, qui regardaient par la porte entrebâillée. Elle s’est retournée et a chuchoté par-dessus son épaule :
— Je crois qu’elle est réveillée.
La mère d’Ella est aussitôt entrée.
— Bonjour, Max. Tu as faim ? Tu veux des pancakes ?
— Des saucisses ? a ajouté Ella. Des fruits ?
J’espérais que l’impression que j’avais de baver sur mon T-shirt n’était… qu’une impression. J’ai répondu d’un hochement de tête et elles sont parties en souriant. Tout de suite après, j’ai remarqué les vêtements sur mon lit. On avait lavé mon jean et mes chaussettes. Et il y avait un sweat-shirt mauve avec de grandes incisions toutes fraîches dans le dos.
La mère d’Ella prenait soin de moi exactement comme Jeb. Et moi, je ne savais pas quoi dire ni comment réagir.
J’avais peur d’y prendre goût. Je n’étais qu’une fille après tout.