110.
— Wahouuuuuu, elle est trop, s’est exclamée Nudge tandis que je lui montrais le dos de ma nouvelle veste en jean.
Bien sûr, il faudrait découper de grandes fentes pour laisser passer mes ailes, mais elle était quand même super.
J’ai contemplé Nudge en souriant. Elle ne ressemblait tellement plus à la Nudge que je connaissais. Ça me faisait bizarre chaque fois que je posais les yeux sur elle. On lui avait fait un brushing pour raidir les boucles généreuses de ses cheveux châtains, après les avoir coupés en dégradé. On lui avait également fait des mèches blondes. Quels changements radicaux ! En moins d’une heure, elle était passée du stade d’adolescente débraillée à celui de quasi-top modèle miniature. Je n’avais jamais réalisé à quel point elle pourrait devenir une superbe femme. Si elle en avait le temps évidemment.
— Eh, regardez un peu ça !
Le Gasman avait revêtu une tenue de camouflage de la tête aux pieds.
— Excellent, ai-je lâché, le pouce levé.
Après notre passage entre les mains expertes du coiffeur, cette halte dans un magasin de fringues d’occasion était la touche finale de notre radicale transformation physique. Certaines des mèches blond pâle de Gazzy avaient été teintes en blanc. On lui avait également coloré les pointes en bleu foncé et mis du gel dessus. Sur les côtés, ses cheveux avaient été coupés super court.
— Pourquoi je n’ai pas pu me faire raser le crâne à l’arrière pour écrire « Va te faire voir » au milieu ? s’est-il plaint.
— Parce que.
J’ai ajusté son col.
— Iggy s’est bien fait percer l’oreille, lui.
— Gazzy, j’ai dit non !
— Mais c’est la mode ici. Tout le monde fait ça, a-t-il ajouté en imitant à la perfection son coiffeur.
— Non-non-non.
Il a poussé un soupir, exaspéré, et il est allé se mettre à côté de Fang. Lui aussi avait les cheveux courts maintenant, à l’exception d’une très longue mèche qui lui tombait sur les yeux. Son coiffeur lui avait fait un balayage moucheté dans les bruns, si bien que ses cheveux ressemblaient comme deux gouttes d’eau au plumage d’un faucon. Drôle de coïncidence… Dans le fameux magasin d’occasion, il avait troqué sa traditionnelle tenue noire contre une tenue noire légèrement différente.
— J’aime bien ça, a fait Angel en me montrant une robe à froufrous.
Je lui avais déjà acheté un pantalon cargo et un T-shirt, et elle avait choisi une doudoune bleue en polar.
— Hum, ai-je lâché en observant l’espèce de tutu.
— C’est tellement joli, Max. S’il te plaît…
J’étais curieuse de savoir si oui ou non je m’en apercevrais si jamais elle m’influençait avec son nouveau don. Elle me faisait de grands yeux, ronds et innocents.
— Et Céleste l’aime vraiment bien aussi, a-t-elle ajouté.
— Ce qu’il y a, Angel, ai-je expliqué, c’est que je ne suis pas persuadée qu’un tutu soit franchement pratique dans notre cas… Tu sais, rapport au fait qu’on est en cavale et tout…
Elle a examiné le tutu tout en fronçant les sourcils.
— Ouais, je suppose que tu as raison.
— On peut y aller ? a demandé Iggy, légèrement impatient. Ce n’est pas que je n’aime pas faire du shopping, mais bon…
— On dirait que t’as mis les doigts dans la prise, lui a lancé le Gasman.
Les cheveux couleur banane-fraise d’Iggy, comme ceux de Gazzy, étaient couverts de gel au niveau des pointes, teintes, dans son cas, en noir.
— Vraiment ? a sorti Iggy. Ça déchire !
Il s’était fait percer l’oreille avant même que j’aie eu le temps de dire « ouf ». Son petit anneau en or était la seule chose pour laquelle j’avais dû débourser.
Quand on est ressortis, l’après-midi touchait déjà à sa fin. Je me sentais libre et heureuse, en dépit du fait qu’on ait mis l’Institut de côté pour un temps. J’aurais parié que même Jeb ne m’aurait pas reconnue.
La coiffeuse avait pris ma longue tresse et avait tout simplement donné un grand coup de ciseau dedans. Du coup, mes cheveux flottaient désormais en couches duveteuses. Au moins, ils ne me tomberaient plus dans les yeux quand je volais. Plus besoin de cracher des petites mèches de cheveux en plein milieu des séquences évasions.
En plus de ça, elle m’avait fait de larges mèches rose fluo et s’était bien lâchée, malgré mes protestations, sur le maquillage. Je ne semblais donc pas seulement totalement différente, j’avais également l’air d’avoir vingt ans de plus. Ça aidait de mesurer un mètre soixante-dix.
— Il y a un petit parc, là-bas.
Fang le pointait du doigt.
OK, ai-je fait d’un signe de tête. On y aurait moins de lumière que dans la rue et assez de place pour décoller. Cinq minutes plus tard, on s’élevait au-dessus de la ville, laissant les lumières, le bruit mais aussi l’énergie new-yorkaise derrière nous. C’était génial de pouvoir battre des ailes, grandes ouvertes. On se sentait tellement mieux, plus gracieux, plus cool qu’au sol.
J’accomplissais de grandes boucles pour m’amuser. Virages à droite, virages à gauche. C’était comme de zigzaguer à vélo, mais dans les airs. Je respirais à pleins poumons, profitais des nouvelles sensations que me procuraient mes cheveux coupés court et légers. La coiffeuse appelait ça la coupe « coup-de-vent ».
Si seulement elle savait.