82.
— On peut prendre le métro pour retourner au parc ? a interrogé Nudge, l’air fatigué.
Il se faisait tard. On avait décidé d’aller passer la nuit à Central Park parce que c’était grand et sombre et plein d’arbres.
— C’est seulement à une quinzaine de rues, lui ai-je dit. (Mais Angel commençait, elle aussi, à dépérir. Ce n’était plus la petite Angel que je connaissais, loin de là.) Bon, voyons combien ça coûte.
Arrivée sur la cinquième marche seulement, dans l’escalier qui descendait à la bouche de métro, j’étais déjà tendue. Nudge, Angel et le Gasman étaient trop exténués pour se soucier d’être dans un endroit fermé, mais Fang, Iggy et moi étions vraiment agités et particulièrement vigilants.
Le ticket coûtait deux dollars, sauf pour les enfants de moins d’un mètre dix. Pour eux, c’était gratuit. J’ai examiné Angel. Malgré ses six ans, elle dépassait déjà le mètre dix. Du coup, on en avait pour douze dollars.
Mais comme il n’y avait personne au guichet de vente, en théorie, il aurait fallu utiliser la machine. Seulement dans la pratique, on est passés par-dessus les tourniquets quand personne ne regardait. On n’était plus à ça près…
Une fois à l’intérieur, on a attendu dix minutes avant qu’un train arrive. Diiiiiiiiiiiiix loooooooooongues minutes pendant lesquelles j’ai bien cru que j’allais me mettre à hurler et grimper aux murs… des fois qu’on ait été suivis… par les Erasers.
J’ai remarqué qu’Iggy tournait la tête et tendait l’oreille vers un bruit en provenance du tunnel sombre.
— Quoi ? ai-je interrogé.
— Des gens, il a répondu. Là-bas.
— Des ouvriers peut-être.
— Ça m’étonnerait.
J’ai scruté l’obscurité du tunnel. En me concentrant bien, j’ai entendu des voix à mon tour. Et tout au bout, j’ai pu distinguer ce qui ressemblait au vacillement d’une flamme réfléchi dans l’un des coudes du tunnel.
J’ai immédiatement pris une décision. Raison pour laquelle les autres se sentaient en sécurité avec moi.
— On y va, ai-je ordonné en sautant du quai sur les rails, vers la pénombre.