Le retour de flamme du colbertisme
C’est le grand retour du dirigisme. Le retour de l’État dans l’économie, dans la finance. L’étonnant come-back de l’autorisation administrative de licenciement. De l’impôt. De la nationalisation des banques, sans qu’on sache avec quel argent. Bientôt le grand retour de la planification à la française. Le débat entre socialistes faisait songer, mercredi, à la fameuse blague qui courait les milieux libéraux jadis : la France est une Union soviétique qui a réussi. La nostalgie des années 60 bat son plein. Il est vrai que le taux de croissance de l’économie française atteignait alors les 5-6 % par an ! Ce retour de flamme colbertiste ne touche pas seulement la gauche. Nicolas Sarkozy se révèle depuis peu un étatiste sans état d’âme, créant une banque publique pour les PME et multipliant discrètement les taxes.
En France, c’est une habitude historique : quand le désordre du marché est trop grand, menace la stabilité de la société, l’État revient en force. Il n’est jamais parti très loin. Nous y sommes. On peut déplorer ce réflexe français. Mais on ne peut que constater, chez les socialistes, comme à droite, les contradictions majeures des néodirigistes. Ségolène Royal et Arnaud Montebourg, qui sont les plus vindicatifs à l’égard de la finance, ne pourront pas vaincre leur ennemi s’ils respectent la liberté des capitaux. Montebourg est donc le plus cohérent puisqu’il assume un discours protectionniste qui rétablit les frontières pour les marchandises. Liberté des capitaux, des marchandises, des hommes, c’est le triptyque de la mondialisation. Mais Montebourg reste beaucoup plus timide à l’égard des hommes. Car, sauf chez Manuel Valls, l’immigration demeure un tabou à gauche.
Martine Aubry essaye de suivre. Pourtant, comme au poker, on voit qu’elle bluffe. Lorsqu’on parle de protectionnisme, elle dit juste échange. « Celui qui a peur du mot aura peur de la chose », note justement Emmanuel Todd. Elle sait mieux que personne que l’Europe, depuis les années 80, nous a passé la camisole de force libérale. C’est même son père qui a serré le nœud avec son Acte unique. Or Martine Aubry fera toujours passer son engagement européen devant ses prétentions dirigistes. Comme l’ont fait Delors et Mitterrand à partir de 1983. Martine Aubry a promis de voir Merkel pour la convaincre. Même Montebourg ne veut pas avouer qu’il tient là un casus belli européen. Tous font semblant d’oublier que Nicolas Sarkozy a lui-même proposé des taxes sociales et environnementales aux frontières de l’Europe, mais qu’il a dû y renoncer devant le refus des Allemands, dont la machine exportatrice tourne à plein régime.
Seul à en tenir compte, Manuel Valls propose, lui, une TVA sociale. Méthode habile, utilisée par les Allemands, pour renchérir les produits importés. Une dévaluation déguisée. Mais alors, tous ses rivaux lui sont tombés dessus car la TVA, dans l’imaginaire de gauche, est le méchant impôt qui frappe les pauvres. Comme si tous les impôts ne touchaient pas in fine les consommateurs. Les socialistes n’ont pas encore choisi entre Colbert et mère Teresa.