Vendredi 16 décembre 2011
Le triple A, bataille perdue d’avance
C’est la chronique d’une dégradation annoncée. Le triple A, c’est fini. Aujourd’hui, demain, ou après-demain. Peu importe le moment choisi, notre sort est réglé. Après avoir fait de la défense du triple A sa bataille de la Marne pour mieux endosser l’uniforme prestigieux du maréchal Joffre, Nicolas Sarkozy et les communicants de l’Élysée nous préparent en douceur depuis plusieurs jours à une retraite en bon ordre. Après tout, ce triple A, les États-Unis l’ont perdu, et rien n’a changé : ils continuent d’emprunter à des taux très bas. Comme avant. Mieux qu’avant. Et puis, les Français se consoleront avec l’idée que c’est toute la zone euro qui serait dégradée par les agences de notation. Même l’Allemagne ! Même l’Allemagne, vous dis-je ! Et puis, ces agences de notation se sont toujours trompées. Des journalistes mieux payés, rien de plus !
Cette bataille du triple A était perdue d’avance. Il était déjà miraculeux, au vu de notre endettement et de nos déficits, et surtout de la dégradation inexorable de notre balance des paiements, que nous ne soyons pas relégués dans la classe de l’Italie, qui emprunte désormais à plus de 6 %. Sans doute le prix à payer, doit penser Nicolas Sarkozy, pour l’alignement de la France sur les positions allemande. En tout cas, le refus obstiné du président français de faire de ces oppositions irréductibles avec la chancelière des causes de rupture. Comme si l’Élysée restait persuadé que l’Allemagne protégeait la France. La perte de notre triple A est le premier échec de cette stratégie. Pour rétablir une hiérarchie entre les États, les marchés ont remplacé les dévaluations des monnaies par les dégradations des notes et la hausse des taux.
Dans son discours devant le Bundestag de mercredi, la chancelière Merkel a bien pris acte de sa victoire, refusant encore et toujours l’Union de transferts, et prévenant que le « processus de sortie de crise ne durerait pas des semaines, pas des mois, mais des années ».
Dans ce contexte, la bataille du triple A paraît dérisoire, une escarmouche, à côté de la mère des batailles que craint l’Élysée : celle de l’euro. Combien de semaines, de mois, d’années, pourra durer une union monétaire sans solidarité ? Les marchés l’ont compris, qui désormais attaquent cette monnaie qui se voulait bouclier de l’Europe et devient son boulet. C’est même la seule bonne nouvelle dans cette histoire : l’euro baisse enfin. L’euro, surévalué par la politique anti-inflationniste de la Banque centrale européenne – alors que c’est la récession et la déflation qui menacent – est l’une des causes majeures des difficultés de nos entreprises à exporter. Une des sources principales des délocalisations massives et de la désindustrialisation française. Mais l’Allemagne veille. Pays à la démographie très faible, elle tient avant tout à sa monnaie forte pour protéger les pensions de ses nombreux vieux. Elle ne tolérera pas une baisse trop forte de la monnaie européenne. C’est le péché originel de l’euro : une même monnaie pour des besoins différents, de pays différents et de plus en plus divergents. On se demande aujourd’hui combien de temps encore l’euro résistera à cette cruelle réalité.