Mercredi 12 janvier 2011

De la sincérité d’Eva Joly

Les sondages sont des armes de guerre politique. Ils sont utilisés pour torpiller ou promouvoir une candidature. Ils sont devenus des sortes de juges suprêmes. Naguère, les partis choisissaient le candidat qui correspondait le mieux à leur idéologie. Ce fut le cas de Mitterrand en 1981, contre Rocard, ou encore de Chirac au RPR. Aujourd’hui, au moment où on fait de plus en plus voter les militants, ceux-ci ont un comportement de parieurs de courses de chevaux. Ils misent sur le gagnant. On l’avait vu en 2006 avec Ségolène Royal, et c’est pour cette raison que ce sondage est si important pour Eva Joly. Il conjure, pour l’instant en tout cas, les risques de déstabilisation qu’avait provoqués sa piètre prestation télévisée d’il y a quelques mois. Pourtant, les résultats de ce sondage ne règlent rien.

L’ancienne juge d’instruction est considérée comme sincère, honnête, compétente, efficace dans les causes qu’elle défend, inspirant confiance. Mais qui en doutait sérieusement ? Cela ne signifie nullement qu’elle peut prétendre à la magistrature suprême, qu’elle a des solutions sur le chômage, l’insécurité, la crise monétaire, la désindustrialisation… Elle serait la personnalité écologiste la mieux à même de lutter contre la crise économique et financière. Mais les Français attendent-ils cela d’un écologiste ? D’ailleurs, Eva Joly n’est même pas écologiste. Au sein des Verts, certains lui en tiennent rigueur. Elle n’est même pas environnementaliste, comme les khmers verts qualifient avec mépris ceux qui ne s’occupent pas des sans-papiers ou du mariage homosexuel. À part la nécessaire lutte contre la délinquance financière, on ne sait pas ce que pense Eva Joly. Elle est le produit d’un casting intelligent, apparemment validé par les sondages. On sait également qu’elle appellera à voter au second tour pour le candidat socialiste. Ce n’était pas évident. Eva Joly a d’abord été séduite par François Bayrou, avant de tomber dans les bras de Daniel Cohn-Bendit. Ses rapports avec les socialistes n’ont pas toujours été au beau fixe, comme elle l’a rappelé dans une boutade qui a beaucoup déplu, rue de Solferino : « Dominique Strauss-Kahn, a-t-elle dit, je le connais bien, je l’ai mis en examen. »

Plus profondément : l’alliance entre les socialistes et les Verts lui a toujours paru fort fragile. Les socialistes croient au progrès. Les écologistes en voient surtout les dégâts. Les socialistes cherchent la croissance. Les écologistes prônent la décroissance. Reste, pour les unir, une sorte de mondialisme naïf, une philosophie très antinationale. Affichée chez Cohn-Bendit et la plupart des Verts. Mieux dissimulée chez les socialistes. Eva Joly, mi-norvégienne, mi-française, avec son accent charmant ou horripilant selon les moments, incarne de manière subliminale ce dépassement des nations, sans qu’elle-même ni les Verts ne s’avisent que leur internationalisme si sympathique fait le lit et la joie de toutes les mafias et de tous les trafics d’argent recyclé. Dans ces débats, on cherche encore quelle est la place d’Eva Joly. Son positionnement, sa philosophie. Une campagne présidentielle est une épreuve féroce. On a vu beaucoup de chouchous des sondages s’écrouler. Une bonne image ne suffit pas.

Le Bûcher des vaniteux
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