La stratégie du « TSH »
Ils ont niqué TF1. C’était leur objectif, leur principale motivation. Leur cri du cœur, déjà, lorsque les partisans d’Eva Joly avaient imposé un calendrier de primaires resserré, avec une campagne trop courte. Leur succès est total. Le candide Hulot a été balayé. Ce n’est pas la candidate qui l’a battu, mais plutôt le commando aguerri d’apparatchiks d’extrême gauche qui avait déjà servi de garde rapprochée à Noël Mamère en 2002. À leurs yeux, Hulot, c’était TF1, l’argent, les sponsors, le fric, le diable. En vieux routiers de la manipulation des militants, ils ont réussi à faire croire qu’Eva Joly incarnait la tradition verte, l’entre-soi écologiste, alors que la magistrate franco-norvégienne n’a débarqué qu’en 2009 à Europe-Écologie, dans les bagages de Daniel Cohn-Bendit, qui l’avait subtilisée à François Bayrou vers qui elle s’était d’abord dirigée.
Au début, elle ne leur plaisait guère pourtant, celle qui ne parlait que de justice, de paradis fiscaux, ne comprenait rien aux subtilités du nucléaire et de l’éolien, trop nordique pour adopter les traditions révolutionnaires de la gauche française. Après tout, elle aussi, depuis sa lointaine arrivée en France, n’avait eu de cesse de parvenir, à travers son mariage avec un riche héritier de la bourgeoisie française.
Mais, en politique, le principe de la plus grande haine domine. Hulot était plus emblématique de ce qu’ils rejetaient. Ses amitiés avouées avec Sarkozy et Borloo en firent un épouvantail commode. En revanche, ils partageaient avec la femme qui avait mis au trou Loïk Le Floch-Prigent, et arrêté, sous les caméras, Roland Dumas, une même détestation des puissants. La Robespierre en jupons finit par s’entendre avec les sans-culottes verts.
Habilement, elle a joué leur jeu, a vanté le multiculturalisme, a craché sur l’assimilation à la française, s’est parée fièrement de sa double nationalité, s’est invitée à la Gay Pride : mariage homosexuel, adoption par les couples de même sexe, dépénalisation du cannabis, régularisation des sans-papiers. Les questions sociétales passionnent beaucoup plus les Verts que l’environnement. C’est ce qui les relie historiquement à l’extrême gauche soixante-huitarde. C’est ce qui les coupe irrésistiblement de l’électorat populaire et les confine dans une base urbaine et diplômée, les bobos, pas les prolos.
C’est ce qui les différencie radicalement de leurs grands frères allemands, qui progressent dans la société allemande au fur et au mesure qu’ils renouent avec le catholicisme, traitent avec l’industrie automobile, ou se rapprochent des conservateurs. C’est ce qui assure aux Verts français des raclées à chaque présidentielle – les 5 % de Mamère étant un triomphe à côté des 1,57 % de Dominique Voynet. C’est ce qui devrait rassurer Jean-Louis Borloo, mais aussi le candidat socialiste, ravi de voir des rivaux s’éliminer d’eux-mêmes.