Du Mexique à la Tunisie, le malaise diplomatique
Les commentateurs de football le disent souvent : « Il y a des jours comme ça où ça ne veut pas rigoler. » La diplomatie française traverse une de ces périodes. De la Tunisie à l’Égypte, en passant par le Mexique ou le G20, elle semble accumuler les mauvais choix, les mauvais réflexes. Prenons le Mexique : cela relève de la médiatisation émotionnelle. Toute libération d’otages ou de prisonniers est soumise à la même mise en scène. Sarkozy n’est pas le premier ni le seul, mais c’est un grand amateur du genre. On se souvient d’Ingrid Betancourt. Mais cette mise en scène est d’habitude l’apothéose publique d’une longue préparation secrète où tractations et pots-de-vin ont permis l’issue heureuse, ce qui a manifestement été raté au Mexique.
La Tunisie et l’Égypte relèvent d’un autre registre : on reproche à la diplomatie française d’avoir soutenu des tyrans. De ne pas avoir une diplomatie conforme à notre tradition des droits de l’homme, de ne pas être fidèle à l’enseignement de la grande Révolution de 1789. Nicolas Sarkozy subit les reproches dont lui-même accablait Jacques Chirac en son temps. Et Jacques Chirac avait lui aussi reproché à François Mitterrand de n’avoir pas compris les révolutions de 1989 en Europe centrale. On pourrait remonter au général de Gaulle, qui faisait ami-ami avec le dictateur roumain Ceausescu. Mais il serait temps de s’en apercevoir.
La France a renoncé à défendre partout les idéaux de la Révolution, puis du Printemps des peuples en 1848, après avoir constaté que cela lui avait valu plus de vingt ans de guerres, de 1792 à 1815, et quelques millions de morts. Le dernier à avoir voulu exporter la liberté dans les pays arabes s’appelait George Bush et fut agoni d’injures par l’intelligentsia française qui reproche aujourd’hui au Président sa pusillanimité conservatrice. Sarkozy a lui-même donné des verges pour se faire battre. En 2007, n’a-t-il pas fait campagne avec des droits-de-l’hommistes patentés tel André Glucksmann ? N’a-t-il pas nommé Bernard Kouchner au Quai d’Orsay, avant que celui-ci ne comprenne que les droits de l’homme et les intérêts de la France étaient souvent contradictoires ? Triste réalité que l’ancienne secrétaire d’État aux Droits de l’homme, Rama Yade, n’a toujours pas comprise.
Depuis, Nicolas Sarkozy est revenu à une realpolitik plus classique, reprenant les habiletés habituelles de la diplomatie française qui tente de demeurer une grande puissance, au moins par le verbe, comme on le voit à la réunion du G20. Mais Sarkozy y a ajouté ses propres contradictions. Il reprend nombre des analyses traditionnelles de la diplomatie française tout en méprisant les fonctionnaires du Quai d’Orsay. Son tropisme occidentaliste lui fait toujours voir La Mecque à Washington, mais il n’a aucun atome crochu avec le calife de la Maison Blanche. Et parce qu’il ne veut pas renoncer à l’euro, il doit s’aligner sur le modèle allemand qu’il critiquait il y a peu. Alors, forcément, il y a des jours où tout cela se voit davantage.