Jeudi 2 juin 2011

Bal tragique chez les Verts !

Un seul être vous manque et tout est repeuplé. C’est ainsi chez les Verts. Il y a un côté tribu ancestrale, telle que décrite par Freud, qui doit tuer le patriarche pour s’émanciper et grandir. Le meurtre symbolique de Daniel Cohn-Bendit fut un modèle du genre. Vrai-faux choix démocratique entre deux motions ; vraie-fausse ouverture du scrutin à tous ceux qui n’étaient pas encartés chez les Verts ; bureaux de vote suffisamment éloignés les uns des autres pour décourager les simples sympathisants. Un modèle de verrouillage que la victime a dû apprécier en connaisseur. Cécile Duflot et son apparatchik en chef, Jean-Vincent Placé, pourraient cependant poser une question, elle aussi freudienne : tuer un père qui ne veut pas être le père, est-ce vraiment tuer ? ou plutôt accomplir les dernières volontés du défunt ? Un geste authentique de générosité.

Daniel Cohn-Bendit était le leader naturel des Verts à la présidentielle. Grâce à lui, ils ont fait jeu égal avec le PS aux dernières européennes, cette présidentielle du pauvre. Lui seul incarnait cette sociologie d’urbains, diplômés, à majorité féminine, travaillant dans les services, née de la révolution de Mai 68, et qu’on réduit à l’excès en la qualifiant de bobo. Il a poussé les Verts à s’ouvrir, s’élargir. Il avait tout pour être à l’écologie ce que Mitterrand fut au socialisme, lors du congrès d’Épinay de 1971. Mais il a refusé ce rôle historique. Il a refusé d’être le père. Refus des responsabilités pour cet adolescent éternel ; ou refus de l’ascèse pour ce jouisseur.

Il a tout fait pour conduire les Verts chez Dominique Strauss-Kahn, avant même le premier tour. La chute new-yorkaise de DSK a précédé celle de Cohn-Bendit. Comme si leurs destins symboliques et politiques étaient liés. Il y a d’ailleurs beaucoup de points communs entre les deux hommes, leur intelligence supérieure masquant mal une certaine arrogance, leur tempérament hédoniste supportant mal les contraintes hypocrites qu’exige la vie politique. La gauche des deux hommes est résolument libérale ; ils croient à la mondialisation heureuse et l’Europe est leur nation.

Mais les écologistes, débarrassés de leur figure tutélaire, sont orphelins. Ils ont le vent en poupe, mais ils pourraient ne pas en profiter électoralement. Ils ont deux candidats, ce qui prouve qu’ils n’en ont pas. Ils ont le choix entre Eva Joly, qui n’est pas écolo, et Nicolas Hulot, qui n’est pas Vert. Les uns ne veulent pas d’Eva Joly parce qu’elle a l’air de réciter, comme une petite fille studieuse, les leçons rabâchées sur la nécessaire sortie du nucléaire ; les autres détestent Hulot parce qu’il n’est pas de gauche, qu’il a gagné beaucoup d’argent à la télé, qu’il n’a jamais milité pour la régularisation des sans-papiers et le mariage homosexuel. Le mouton à cinq pattes n’existe pas. Ou plutôt, ils l’ont tué, il s’appelait Daniel Cohn-Bendit.

Le Bûcher des vaniteux
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