D’accord avec Claude Guéant !
Les grands inquisiteurs du politiquement correct ont trouvé une nouvelle proie : Claude Guéant. Proie de choix, il est le nouveau ministre de l’Intérieur et surtout l’ancien patron de l’Élysée. Inquisition, car, comme au temps du redouté Torquemada, on décortique les mots, mais derrière les mots, les pensées, et derrière les pensées, les arrière-pensées, le non-dit, et même le non-pensé, pour condamner le présumé coupable de sacrilège – aujourd’hui, on dit dérapage.
Si Claude Guéant a employé le mot croisade, c’est qu’il veut ressusciter Godefroy de Bouillon et passer tous les Infidèles au fil de l’épée ; et tant pis si les avions français sauvent des vies arabes en Libye. Si Claude Guéant affirme que, dans certains quartiers, les Français ne se sentent plus en France, c’est qu’il est raciste et qu’il a une vision fixiste de l’identité française ; et tant pis s’il ne fait que reprendre les propos exaspérés de Français qui fuient des banlieues que leur départ transforme en ghettos ethniques, au grand dam de nos imprécateurs bien-pensants. Si Claude Guéant demande aux usagers des services publics d’adopter des tenues sans signes religieux, c’est qu’il veut stigmatiser les musulmans.
Pourtant, il fut un temps pas si lointain où la question ne se posait même pas. « À Rome, fais comme les Romains », c’était l’adage. Dans la culture arabo-musulmane, empreinte d’un grand sens de l’honneur et du respect, on dit de même : « Mange comme il te plaît, mais habille-toi comme il plaît aux autres. » La laïcité à la française, c’était la discrétion des religions. Non par crainte, mais pour ne pas offusquer l’autre. Pour ne pas prendre en otage l’espace public, qui appartient à tous et donc à personne. Les guerres de Religion nous ont appris où l’affirmation échevelée et arrogante de ses croyances pouvait mener. Mais cette mémoire-là a été perdue et abandonnée. On a privilégié les droits de l’individu sur les devoirs du citoyen ; on a exalté les racines et les identités au détriment de la culture française. Les plus radicaux de chacune des religions se sont engouffrés dans cette brèche libérale pour affirmer leur force dans la rue.
Si Claude Guéant peut être condamné pour ces quelques phrases, c’est à l’inverse de ce que croient nos Torquemada de bac à sable. Ses mots sont un terrible constat d’échec pour la classe politique française dans son ensemble, et pour son propre patron, Nicolas Sarkozy, ministre de l’Intérieur puis Président depuis près de cinq ans. L’immigration régulière atteint 200 000 entrées par an, principalement au titre du regroupement familial et des mariages avec des étrangers. Sans compter les 50 000 clandestins au minimum, qu’on ne parvient pas à renvoyer. Ce flot ininterrompu aggrave sans fin les tourments d’une société pervertie par le relativisme différentialiste de ses élites, et mine les efforts valeureux de certains enfants de l’immigration qui voient encore la différence comme un piège et la culture française comme le plus magnifique instrument d’émancipation.