Vendredi 20 mai 2011
La révolte anti-radars
Les réunions du groupe UMP deviennent plus agitées que les séances dans l’hémicycle. Pendant que les députés socialistes sont occupés à défendre l’honneur perdu de Dominique Strauss-Kahn, leurs collègues de l’UMP jouent le rôle d’opposition de Sa Majesté. Les godillots se lèvent souvent du pied gauche. Déjà ils sifflaient, la semaine dernière, Roselyne Bachelot venue défendre le RSA. Cette fois, ils chahutent le Premier ministre lui-même au sujet des radars. Démagogie, rétorquent avec mépris Fillon et Bachelot, enfermés dans leurs certitudes technocratiques. C’est un classique. Au bout de quelques années, les gouvernants ne font plus confiance qu’à leurs cabinets ministériels. Déconnectés du fameux terrain, où ils ne vont plus guère, ils appellent démagogie tout ce qui vient d’en bas, intérêt général tout ce qui vient d’en haut. Les députés, eux, reviennent dans leurs circonscriptions chaque week-end, où ils se font houspiller par leurs électeurs. La vox populi n’est pas forcément la vox dei ; mais pourquoi ce mépris ?
On se souvient de la polémique sur les chiffres de l’inflation. Pendant des années, les calculs de l’Insee annonçaient une inflation au plus bas, quand les consommateurs se plaignaient de la hausse massive des prix des produits alimentaires. Les statisticiens ont fini par reconnaître que la baisse des prix des produits de haute technologie – téléphones, ordinateurs, etc. – avait faussé leurs calculs. Même chose pour les radars. Les panneaux d’avertissement avaient été posés à des endroits particulièrement dangereux. Leur présence obligeait les voitures à ralentir. Ils ont donc, en effet, réduit les accidents. Certes, les automobilistes appuyaient sur le champignon aussitôt la menace du radar éloignée. Et alors ? L’endroit dangereux était passé.
Ôter les panneaux d’avertissement poussera les conducteurs à ralentir tout le temps, assure le gouvernement. Ou à ne ralentir nulle part. Et à avoir plus d’accidents. Mais à payer plus d’amendes. Quand Jean-Pierre Raffarin avait mis en place les radars automatiques, il avait présenté ces panneaux comme la preuve de sa bonne foi. Il ne voulait pas réduire les déficits sur le dos des automobilistes, seulement sauver des vies. La décision de François Fillon lui donne un air de mauvaise foi. Les automobilistes sont des cibles toujours commodes, toujours dociles, toujours solvables, toujours cochons de payants. Mais cochons d’électeurs, crient les députés UMP qui ont une réélection à préparer dans un an.
François Fillon ne craint rien. Ses mesures seront adoptées. La Constitution de la Ve République est faite pour mater un cheval parlementaire qui regimbe. Mais il devrait se méfier. C’est le groupe UMP qui lui a conservé son poste à Matignon, quand Sarkozy voulait le remplacer par Jean-Louis Borloo. L’irritation devient désamour, qui s’installe sur fond de conflit politique entre une droite populaire qui prend confiance en elle, et des centristes qui sont tentés de sauter dans la barque que leur tend Jean-Louis Borloo. Comme si François Fillon subissait les premiers craquements de la fin annoncée de l’UMP.