La tentation de la primaire à droite
Ils s’y voient déjà. Tous. Et les autres aussi. Le succès médiatico-politique de la primaire socialiste leur donne des ailes. Ils pensent : pourquoi pas moi ? Ils disent : pourquoi pas nous ? La primaire de l’UMP est avancée pour 2017. Que Sarkozy gagne ou perde, il aura alors disparu. Copé, Baroin, Pécresse, Kosciusko-Morizet, Chatel, Le Maire, Wauquiez, ils ont tous réglé leur montre sur 2017. Ils sautent tous comme des cabris en criant primaire, primaire, primaire. Sarkozy pourrait se payer le luxe de dire, à l’instar du général de Gaulle : « Après moi, ce n’est pas le vide, c’est le trop-plein. »
Comparaison n’est pas raison. L’UMP s’alignera sur le Parti socialiste pour des bonnes et des mauvaises raisons. Les bonnes sont ressassées sans cesse : participation des citoyens ; débat entre plusieurs options. Les mauvaises raisons sont davantage tues : le PS et sa tradition parlementaire ont expérimenté avant l’UMP, imprégnée de la tradition bonapartiste du RPR, l’évolution de la vie politique. Les primaires existent parce que les partis politiques à l’ancienne – de militants, avec une vraie culture idéologique et politique – meurent sous nos yeux.
La présidentielle est devenue une course de chevaux. Les militants électeurs de primaires se sont transformés en parieurs. C’est celui qui va gagner qui gagne. Cette tautologie met la démocratie à la merci de toutes les manipulations médiatico-sondagières. La nouvelle classe politique, souvent sous-éduquée idéologiquement, historiquement, politiquement, est avant tout composée d’enfants de la pub et de la com. Sarkozy fut leur maître à tous. Mais il avait appliqué les leçons des anciens, Mitterrand, Chirac : prendre un parti avant de se lancer. Seul Jean-François Copé tente aujourd’hui de l’imiter. Les autres ont l’intention d’enfoncer ses positions partisanes avec le bélier des primaires. Les primaires socialistes révèlent qu’aucun leader ne s’impose naturellement au PS. Après Sarkozy, cela risque d’être la même chose à l’UMP.
Cette absence de leader va de pair avec l’affaiblissement du pouvoir réel que possèdent les politiques. La monnaie est entre les mains de la Banque centrale européenne. Demain, le budget sera sous l’étroite surveillance de Bruxelles et de Berlin. Les patrons et la finance mondialisés ont depuis longtemps pris leur indépendance. Mitterrand avait dit, prophétique : « Après moi, il n’y aura plus de grand Président. » La classe politique française a traduit : désormais, n’importe qui peut être Président.
Le général de Gaulle avait imposé cette élection du Président au suffrage universel pour remettre un roi à la tête de la République. À son époque, un personnel politique d’une qualité exceptionnelle, de Mendès France à Edgar Faure, sans oublier François Mitterrand, était handicapé par un système institutionnel archaïque et débilitant. Désormais, c’est l’inverse. Le système est redoutablement efficace ; mais le personnel politique n’est plus à la hauteur de la monarchie républicaine.