Arnaud qui rit et Ségo qui pleure…
Montebourg fêté, congratulé, sollicité, dragué. La démondialisation n’est plus brocardée que par les leaders de la droite, qui devraient se souvenir que Nicolas Sarkozy proposait, en 2007, d’en revenir à la préférence communautaire européenne.
Cette querelle que ravive Arnaud Montebourg au sein de la gauche n’est pas neuve. Elle remonte à 1983. Alors, profitant de ce qu’on appelait la contrainte extérieure – un déficit budgétaire important, mais trois fois rien à côté de celui d’aujourd’hui, et une offensive des spéculateurs internationaux contre le franc –, la gauche technocratique, libérale et démocrate-chrétienne, autour de Jacques Delors, en profita pour convaincre François Mitterrand de renoncer au vieux dirigisme socialiste. De libérer la finance, de supprimer les frontières, au sein du grand marché européen et avec le reste du monde. Sans doute, le catholique Delors songeait-il aux Évangiles, qui qualifient de « monde » ce qui est pur. La mondialisation ne pouvait être qu’heureuse. On était citoyens du monde. Les frontières, le protectionnisme, les nations, voilà le diable. Le tout imposé au nom de l’Europe.
La gauche étatiste et jacobine fut tétanisée. Seul réagit Jean-Pierre Chevènement, qui démissionna. Revint, puis redémissionna. Et encore une troisième fois. En 2005, la gauche se déchira autour de la même question des frontières, de l’État, du libre-échange. Laurent Fabius prit la tête de la révolte. Le non l’emporta. Mais les parlementaires socialistes ratifièrent, quelques mois plus tard, le traité de Lisbonne, copie conforme de la Constitution européenne rejetée par le peuple. Fabius refusa de briser le Parti socialiste sur ce clivage pourtant essentiel. Déçu, Jean-Luc Mélenchon prit la porte, et fonda le Front de gauche. Arnaud Montebourg a repris ce flambeau. Chevènement l’adoube comme son héritier. Mélenchon le considère comme un frère. Il crée la surprise en terminant troisième. Son résultat prouve que les thèses qu’il défend répondent à une attente. Hollande et Aubry, pris dans un second tour plus serré que prévu, quêtent ses suffrages.
Mais les deux finalistes de la primaire sont, comme le dit justement Montebourg, les deux faces d’une même pièce. Ou les deux enfants d’un même père, Jacques Delors, dont Martine est la fille biologique et François, le fils idéologique. Tout le reste est querelle de tempéraments et d’ambitions, postures et faux-semblants. Si Montebourg veut conserver une cohérence idéologique, et ne pas se laisser enivrer par les promesses qui n’engagent que ceux qui les entendent, il doit suivre sa première impulsion : les renvoyer dos à dos. Mais sa détestation personnelle de Martine Aubry le pousse doucement vers Hollande. Dans les deux cas, Montebourg ne doit se faire aucune illusion. Depuis 1983, l’histoire s’est répétée inexorablement : les adversaires de la gauche libérale et mondialiste ont perdu toutes les batailles. Qu’Arnaud Montebourg profite bien de sa semaine de gloire. Bientôt, comme ses glorieux aînés, il devra se soumettre ou se démettre.