Jeudi 24 février 2011

L’immigration, arme fatale de Kadhafi

L’ONU condamne, l’Europe condamne, les États-Unis condamnent, la France condamne, l’Allemagne condamne ; même la Ligue arabe condamne. Kadhafi fait l’unanimité contre lui. Il est menacé de sanctions économiques, de boycott. Pour moins que ça, le président Ben Ali est monté dans un avion et même l’Égyptien Moubarak a fini par s’incliner. Mais Kadhafi, lui, n’a toujours pas abandonné le pouvoir – au prix d’une boucherie, menace-t-il, comme les islamistes de Téhéran en 2009, comme les Chinois communistes lors de la révolte de Tian’anmen il y a vingt ans. À la même époque, les régimes communistes européens refusaient, eux, de tirer sur la foule et perdaient le pouvoir. Tirer ou pas sur le peuple ?

Cette question est aussi vieille que la révolution. Déjà, Bonaparte avait traité de couillon Louis XVI qui avait refusé de tirer sur le peuple de Paris. Pour le remercier, Louis XVI fut guillotiné, et Bonaparte, qui n’hésita pas à donner le canon contre les royalistes, devint Premier Consul. En 1848, Louis-Philippe n’osa pas faire feu sur les barricades. Il prit le chemin de l’exil. Quelques mois plus tard, la République, elle, n’hésita pas à liquider dans un bain de sang la révolte des ouvriers parisiens sous les yeux du jeune Karl Marx qui y vit la quintessence de la lutte des classes. De son exil londonien, Louis-Philippe murmura : « La République a bien de la chance, elle peut tirer sur le peuple. » Aujourd’hui, les pouvoirs ont des chars et des avions pour réduire à néant des combattants aux mains nues. Mais ils ont la télévision contre eux. Ils sont invincibles militairement, mais sont menacés médiatiquement.

Face aux menaces de rétorsions économiques, Kadhafi n’est pas démuni. Il tient en effet un pistolet sur la tempe de l’Europe : l’immigration. D’innombrables Libyens ne manqueraient pas de débarquer sur les côtes voisines de l’Italie pour échapper au massacre. Par ailleurs, Kadhafi, respectant des accords signés avec l’Italie de son grand ami Berlusconi, contenait l’immigration venue de toute l’Afrique par des moyens policiers souvent brutaux. Le ministre des Affaires étrangères italien, Franco Frattini, a déjà prévenu qu’en cas de chute de Kadhafi, l’Italie verrait débarquer 200 à 300 000 immigrés, soit dix fois le nombre de réfugiés albanais que nous avons connu dans les années 90. Ce sont des estimations basses, dit-il, ce serait un exode biblique. Qui tient qui ? Qui menace qui ? Qui a les moyens de faire plier qui ? Depuis la chute de Ben Ali, des milliers de Tunisiens ont déjà débarqué en masse sur l’île de Lampedusa, comme un avertissement. Une mise en bouche… Alors, stop ? Ou encore ? Au moment même, Jean Raspail réédite son livre Le Camp des Saints qui, paru en 1973, contait le débarquement sur les côtes provençales d’un million d’Indiens miséreux, désarmés et pourtant irrésistibles ; forts de notre faiblesse, les grands écrivains sont toujours des prophètes.

Le Bûcher des vaniteux
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