Mardi 4 janvier 2011

Les Dupont et Dupond au pays Gbagbo

Nous tanguons entre farce et tragédie. La farce quand deux vieux renards du barreau, Roland Dumas et Jacques Vergès, débarquent, tels Dupont et Dupond, à Abidjan pour défendre un Président officiellement vaincu, alors que leurs amis de gauche ne cessent de donner depuis toujours des leçons de morale démocratique à la terre entière. La tragédie, c’est un pays au bord de la guerre civile. Mais la farce, un Gbagbo qui tonne contre le néocolonialisme et s’empresse d’appeler à sa rescousse deux avocats français, héritiers certes de tous les combats anticolonialistes mais aussi de toute l’histoire tortueuse de la Françafrique. Et puis la tragédie : un pays qui se délite et qui révèle la crudité explosive de sa structure tribale entre nord malinké et autres dioula, centre baoulé et sud où l’alliance des Kru et des peuples dits lagunaires n’a jamais fait défaut à Gbagbo. Mais cette réalité ethnique, à laquelle il faudrait rajouter le conflit entre chrétiens du sud et musulmans du nord, est niée par une communauté internationale qui, par idéologie antiraciste et héritage des frontières de la colonisation, ne veut connaître qu’une nation qui n’existe pas : la Côte d’Ivoire.

Mais la réalité se venge. La prétendue communauté internationale, elle-même chimère de bons esprits, est dénoncée par l’habile Gbagbo comme l’alliance des puissances impérialistes d’hier et d’aujourd’hui, qui veulent imposer un président musulman, ancien haut fonctionnaire du FMI, enfermé dans un hôtel d’Abidjan, l’hôtel du Golfe, protégé par les troupes de l’ONU, bref, un étranger. On peut compter sur la culture historique de nos Dupont et Dupond pour que Ouattara soit très vite comparé à Pétain, ou, plus juste encore, comme l’a fait le professeur Bernard Lugan, à une sorte de ridicule roi de Bourges, pendant la guerre de Cent Ans, quand le territoire français était presque entièrement aux mains des Anglais.

Mais on n’a pas encore trouvé la Jeanne d’Arc de Ouattara. Nicolas Sarkozy a bien lancé un ultimatum à Gbagbo. Mais un ultimatum sans intervention armée est un cri dans le désert. La communauté des États de l’Afrique de l’Ouest est prête à envoyer des troupes, dit-on. Le Nigeria est sur le pied de guerre. Mais que fera alors son grand rival, l’Angola ? Et les troupes nigérianes pourront-elles vaincre facilement la résistance du sud ivoirien qui est le pays utile de la Côte d’Ivoire où se situent les ports, les puits de pétrole, le cacao et le café ? Gbagbo peut abandonner le nord, pauvre et inutile économiquement. Il peut prendre la posture de la victime d’un complot des grandes puissances. Vergès et Dumas rappelleront qu’il y a quelques mois à peine, dans un pays voisin, le Gabon, le fils du Président défunt Bongo fut intronisé par la France et l’ONU grand vainqueur des élections démocratiques, alors qu’on découvre aujourd’hui qu’il n’était arrivé que bon troisième lors du premier tour… Je dirais même plus, mon cher Dupont : il n’était même pas arrivé deuxième.

Le Bûcher des vaniteux
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