Lundi 4 avril 2011

Côte d’Ivoire ou Libye : services compris !

C’est l’heure de gloire des services secrets. Des discrets, des inconnus, des mystérieux. Du MI6 britannique, de la CIA américaine, de la DGSE française. On les croyait définitivement rangés des voitures, convertis aux délices et poisons de l’espionnage industriel. On se grattait encore la tête pour comprendre qui avait piégé Renault, pourquoi et au profit de qui, et on se retrouvait soudain plongé dans de vraies guerres. Comme au bon vieux temps, aurait-on dit dans les films de Lautner et Audiard.

En Côte d’Ivoire comme en Libye, les mouvements guerriers ne sont en effet que la partie émergée de l’iceberg. Ce n’est pas l’offensive éclair des troupes de Ouattara qui explique l’effondrement soudain du président ivoirien Laurent Gbagbo, mais une longue préparation qui a combiné étranglement financier par les banques occidentales, embargo sur la récolte de cacao, retournement des officiers proches de Gbagbo et formation des soldats de Ouattara. Les grandes puissances occidentales n’ont pas complètement perdu la main. Même si la France n’ose plus envoyer ses armées en Afrique, ses services demeurent efficaces. Au nom de la démocratie bien sûr, même si, en vérité, au Nord comme au Sud, chez Ouattara comme chez Gbagbo, les fraudes ont été nombreuses, et les pressions sur les électeurs parfois menaçantes.

Les James Bond sont aussi à la manœuvre dans le désert libyen. Pour guider les avions qui bombardent les chars de Kadhafi. Et pour former les forces rebelles. Il suffisait de voir les magnifiques photographies publiées par Le Figaro Magazine pour comprendre que la tâche est ardue. Mêmes armés, les rebelles ressemblent davantage à des héros de L’Aventure c’est l’aventure, ou de Cent mille dollars au soleil. Les soldats de l’an II étaient désorganisés et souvent sans chaussures, mais leur fureur quand ils entonnaient La Marseillaise les rendait redoutables. Les révolutionnaires libyens sont plus risibles que redoutables. On comprend mieux, à les voir, pourquoi, dès que les avions américains et français cessent leurs bombardements, les mercenaires tchadiens de Kadhafi les retournent comme des crêpes. L’action des services secrets n’est pas simple, elle doit être à la fois discrète et efficace, car les pays arabes, qui soutiennent du bout des lèvres la coalition, mais aussi les Russes et les Chinois qui n’ont pas opposé leur veto à la résolution de l’ONU, refusent impérativement toute intervention au sol des forces de l’Otan.

Nos services hésitent aussi à fournir des armes à nos pieds-nickelés libyens, car de nombreux combattants d’Al Qaïda les ont rejoints. Depuis le premier jour, Kadhafi avait dénoncé leur intervention, dans l’incrédulité générale. Les services secrets américains n’ont pas envie de revivre le cauchemar afghan, lorsqu’ils avaient équipé les talibans qui luttaient contre l’occupation de l’Union soviétique, avant que, quelques années plus tard, leurs magnifiques missiles ne détruisent les avions américains. Même James Bond est devenu méfiant.

Le Bûcher des vaniteux
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