Mardi 12 avril 2011
Hollande : s’il n’en reste qu’un, ce sera lui
Longtemps, François Hollande a été le chéri des journalistes. Son humour ravageur, sa joviale bonhomie, son talent rare pour décrypter les situations politiques les plus embrouillées : il faisait la moitié du travail.
Aujourd’hui, Hollande touche son retour sur investissement. Les journalistes l’ont maintenu à flot médiatique quand il avait disparu des radars politiques. Ils ont parlé de son régime alimentaire quand il n’avait pas de programme ; ils ont vanté son esprit de sérieux seulement parce qu’il osait annoncer qu’il augmenterait massivement les impôts. Leur complicité va au-delà des sympathies personnelles. Hollande est le produit le plus abouti d’un certain consensus médiatique : très attentif au déficit budgétaire et à la dette, il ne rompt jamais le politiquement correct sur l’immigration et l’islam ; d’une orthodoxie parfaite sur l’Europe, mais aussi sur la mondialisation. Avec lui, les audaces timidement protectionnistes du programme socialiste resteraient lettre morte. Hollande est le meilleur élève de la classe Delors et Jospin. Bien que n’ayant jamais été ministre, il est le pur produit de la gauche de gouvernement. C’est pendant qu’il était premier secrétaire – un long règne de dix ans – que le PS est redevenu ce parti de notables locaux qu’il était à l’époque de la SFIO de Guy Mollet. La référence vient naturellement à l’esprit. Roi du compromis, des tractations de couloirs, des motions « nègre-blanc » et des coups tordus à trois bandes, Hollande avait même le physique rondouillard des habitués des banquets républicains d’antan. Hollande aurait fait un magnifique président du Conseil de la IVe République, mais il n’y avait plus de IVe République et plus de président du Conseil.
Son régime alimentaire draconien prouve qu’il a compris qu’on avait changé d’époque : le gros n’est plus le symbole du bourgeois rassurant, mais l’incarnation du prolétaire qui s’alimente mal dans les hard-discounts. Hollande veut rester le candidat des élites, l’incarnation de ce cercle de la raison dont parlait jadis Alain Minc pour glorifier Balladur. Il a retenu de Mitterrand que le drame des socialistes d’aujourd’hui était de ne jamais parler de la France, de ne jamais s’inscrire dans ce roman national que les élites bien-pensantes vouent aux gémonies.
Voyant enfin le danger, craignant que les militants n’aient gardé une affection pour leur ancien secrétaire, comprenant que la droite a misé sur lui pour diviser le PS, ses amis politiques, de Fabius à Aubry en passant par Delanoë, tentent de l’ensevelir sous un tombereau de mépris. Mais n’est-ce pas déjà trop tard ?