Journée de la femme et de la désinformation
La journée des femmes est tombée à la fin du carême et au début du carnaval. Le carême, c’était pour faire pénitence ; le carnaval, c’est pour marquer une renaissance, une nouvelle ère, une nouvelle humanité. Le philosophe Hegel disait que le journal du matin était pour l’homme moderne l’équivalent de la prière des chrétiens. Hier, dans la presse, il y avait largement de quoi faire les cinq prières exigées du musulman pieux. D’abord on a fait monter en chaire les grandes prêtresses, Gisèle Halimi ou Simone Veil, pour rappeler le dogme. Puis la presse économique nous a enseigné que les banques les plus rentables étaient celles qui employaient le plus de femmes parmi leurs cadres dirigeants. Puis on découvrait que c’était tout simplement parce qu’elles leur distribuaient des salaires inférieurs. Une autre proclamait que les entreprises dirigées par des femmes étaient plus performantes que les autres ; on avait comparé deux sociétés à 31 649 dirigées par les hommes. On n’était pas dans la science mais dans l’acte de foi.
Une docte professeure de Sciences-Po sommait le gouvernement d’imposer par quota la parité parmi les hauts dirigeants de la fonction publique. Pourtant le même journal du soir nous rappelait que la hiérarchie de la fonction publique dépendait exclusivement du classement de sortie à l’ENA. Mais la méritocratie n’a pas d’importance au regard du dogme paritaire. Une autre professeure suggérait d’interdire les réunions après 18 heures. Déjà qu’on reproche aux fonctionnaires de ne pas travailler… L’Humanité proposait qu’on abolisse la règle grammaticale qui veut que le masculin l’emporte sur le féminin. On n’avait pas remarqué que les règles orthographiques étaient encore enseignées. Les jeunes filles étaient exhortées à sortir de leur coquille de douceur et de tendresse, à accepter les dures lois de l’ambition, de la compétition scolaire et professionnelle, à devenir des guerriers comme les autres. Mais on vous rassure : c’était pour la victoire des valeurs féminines, l’égalité, la paix, la liberté, le respect, la convivialité… Les religions nous ont habitués à massacrer les fidèles pour sauver leur âme.
Dans Le Parisien, trois générations de femmes content les formidables conquêtes du passé. Mais une ravissante Alexandra de vingt-six ans – dont la grand-mère et la mère sont si fières d’avoir divorcé – gâche un peu l’ambiance en réclamant d’une voix qu’on imagine gênée « que les hommes recommencent à les séduire, elle et toutes les femmes de sa génération, car ils ne les draguent plus ». Un ange passe au milieu des prêches… Mais il n’ose évoquer les rapports forts subtils et forts archaïques entre désir et inégalité, entre séduction et différence, et s’enfuit de peur d’être pris pour le diable. Un sociologue en vogue conclut ainsi dans Libé sa longue oraison : « Il y aura effectivement une égalité homme-femme dans la vie intime quand les hommes transporteront eux aussi les goûters des enfants et qu’ils auront des biscuits écrasés dans leur besace… » Ah ! quand les pères seront devenus des mères comme les autres, nous irons tous au paradis. Je vous avoue qu’hier, j’ai regardé le match de football Barcelone-Arsenal avec le plaisir intense du type qui s’encanaille au bordel, sans le dire à sa femme, ni à monsieur le curé. C’est bon, le péché quand même !