Vendredi 13 mai 2011
UDF, le retour
Union pour la démocratie française. UDF. Plus personne ne sait pourquoi ce parti s’appelait ainsi. On fait de l’archéologie politique : c’était le titre d’un livre de Giscard. Quand il était à l’Élysée. Dans les années 70. À l’époque, on portait les cheveux longs et des pantalons pattes d’éléphant ; le footballeur Dominique Rocheteau était surnommé l’Ange vert. Giscard avait l’ambition de rassembler « deux Français sur trois ». Il tirait la leçon sociologique de trente ans de développement économique et de réduction des inégalités sociales. On a appelé cette période les Trente Glorieuses. Une énorme classe moyenne en était née, aux revenus et aux modes de vie très proches. Giscard avait eu l’intuition géniale d’en faire un parti politique. Il l’appelait l’UDF. Un parti qui serait libéral, européen, décentralisateur. À droite sur l’économie, et à gauche sur les mœurs. L’exact opposé du gaullisme qui avait été étatiste, colbertiste et national. À gauche sur l’économie et conservateur sur les mœurs.
Giscard fut battu en 1981, mais l’UDF a gagné. Le RPR est devenu libéral, européen, décentralisateur. Moderne. Tout comme le Parti socialiste. Une victoire totale dont l’UDF est morte. Un jour, François Bayrou qui, seul, résista courageusement à la naissance du parti unique de la droite, l’UMP, proclama fièrement : « Quand on pense tous la même chose, c’est qu’on ne pense plus rien. » Il ne savait pas qu’il condamnait ainsi sa propre famille politique. Jean-Louis Borloo veut ressusciter le mort. Et Morin, et Arthuis et les autres. Ils ne seront pas de trop. Leur argument semble imparable : l’UMP sarkoziste se droitise, il faut réinventer le centre. C’est une illusion d’optique. L’UMP de Sarkozy et de Copé revient seulement aux sources du RPR d’antan, quand son programme était, sur les questions d’immigration et de sécurité, le frère jumeau de celui du Front national.
Sarkozy pourrait être tenté de laisser faire. À deux, on ratisse plus large. Le râteau est plus grand. Borloo peut gêner Bayrou. Ou encore DSK. Les amis de Borloo, au contraire, se flattent de résister aux pressions de l’Élysée. Tout cela n’est que jeux d’apparence et calculs d’apothicaire. Jean-Louis Borloo a insuffisamment appliqué les leçons sociologiques du maître Giscard. Après les Trente Glorieuses, il y eut les trente piteuses. Croissance molle et aggravation des inégalités. La classe moyenne est morcelée aux deux bouts, avec un petit extrême qui s’est agrégé aux classes dirigeantes, et un gros bout qui s’est prolétarisé ; au milieu, une masse, hantée par la crainte du déclassement. Déclassement social mais aussi national. Les espoirs de la modernité radieuse sont devenus les causes d’une angoisse existentielle.
Où sont les électeurs de l’UDF ressuscitée ? Disséminés entre le Parti socialiste, les Verts, le centre-droit. Un électorat diplômé, urbain, plutôt féminin, qui peut passer, en un débat télévisé, de Bayrou à Cohn-Bendit, sur une impression, une colère, un coup de cœur. Un électorat qui s’est dispersé tout en réduisant à la cuisson. Au mieux, une force d’appoint.