Ben Laden est mort, pas le terrorisme
La mort d’Oussama Ben Laden est d’abord un symbole pour les Américains, qui attendaient cela depuis dix ans ; sa mort prouve qu’on ne les attaque pas en toute impunité. Que leurs services secrets ne sont pas aussi mauvais qu’on le dit, que les méchants sont, comme dans les films d’Hollywood, toujours punis. Les attentats du 11 septembre avaient été pour les Américains une horreur avec ces milliers de morts, mais surtout la marque d’un certain abaissement. L’effondrement des deux tours symbolisant en quelque sorte un déclin américain qui s’annonçait.
Le grand historien Fernand Braudel expliquait que la puissance dominante du moment n’est jamais touchée par les armées ennemies. La Hollande au XVIIe siècle ne fut pas atteinte par les troupes de Louis XIV, et Napoléon ne parvint jamais à envahir les Îles britanniques. Durant les deux guerres mondiales, le sol américain ne fut jamais menacé ni par les soldats allemands ni par les Japonais. Les terroristes de Ben Laden réussirent donc « cet exploit » il y a dix ans. C’est parce qu’ils touchaient le sol de l’hyperpuissance que cet attentat fut considéré comme un tournant dans l’histoire du monde, le vrai début du XXIe siècle, alors que le XXe siècle s’était achevé en 1989 avec la chute du mur de Berlin. La joie collective qui s’est répandue à New York est une sorte de soulagement spontané d’une foule qui voudrait effacer cet affront historique.
Il y a belle lurette pourtant que les spécialistes nous ont expliqué qu’Al Qaïda n’était pas une organisation hiérarchisée, mais une nébuleuse avec des groupuscules autonomes qui reprennent la marque Al Qaïda comme une sorte de franchise mais sans en référer à la maison mère. La mort de Ben Laden ne change donc rien à cela. Ce n’est pas la mort du terrorisme. Dans le Sahel, l’Aqmi continuera à sévir contre les Français au Niger ou ailleurs. Enfin, sa mort, au Pakistan, est la confirmation du double jeu pakistanais en Afghanistan. Une partie de l’appareil d’État pakistanais cachait donc Ben Laden et joue avec les talibans et Al Qaïda contre les Américains, officiellement leurs alliés. Les Américains d’ailleurs le savent, tout le monde le sait. La mort de Ben Laden ne change rien à cela ; l’intervention occidentale en Afghanistan avait été d’abord une expédition destinée à chasser, traquer Ben Laden ; il n’est pas sûr que sa mort interrompe l’intervention américaine et renvoie les troupes occidentales d’Afghanistan.