Jeudi 12 mai 2011
Un sale compte à rebours pour la Grèce
Combien de temps la Grèce tiendra-t-elle, prise entre le marteau du FMI et de l’Europe, et l’enclume de la fureur populaire ? Combien de temps le gouvernement socialiste d’Athènes tiendra-t-il ? Alors que les salaires ont déjà baissé en moyenne de 20 %, le président de la Commission européenne annonce un nouvel ajustement structurel. C’est-à-dire de nouvelles baisses de salaires et de prestations sociales, sans oublier des privatisations en nombre. Oui, combien de temps ? Pour l’instant, le temps manque sur les marchés : plus personne ne croit en la capacité de la Grèce de rembourser sa dette. Les taux demandés sont à près de 25 %. Un vrai taux revolving. L’Europe s’apprête donc à lui accorder une nouvelle aide conséquente. L’objectif est justement de gagner du temps. Mais combien de temps ?
Les Allemands se sont résignés et proposent de restructurer la dette grecque à hauteur de 40 %. Restructurer, c’est le mot poli pour dire que la Grèce ne paiera pas ses créanciers. Les Français ne veulent pas renoncer et arguent que la Grèce n’a besoin, finalement, que d’une somme raisonnable : de 20 à 25 milliards d’euros. Une grosse somme pour elle, mais une petite pour les pays riches. En clair, les contribuables allemands et français. Merci pour eux. Il est vrai que les banques françaises mais aussi allemandes, qui ont beaucoup prêté à la Grèce, perdraient beaucoup en cas de restructuration. Les banques, pas folles, ont déjà commencé à provisionner leurs pertes, il faut seulement leur donner le temps de se retourner. Combien de temps ?
L’austérité ne sauve pas la Grèce mais la tue. La croissance, qui reposait sur la consommation, est étranglée. L’économie grecque n’est pas compétitive ; c’est une économie fondée sur le tourisme et l’huile d’olive, et de faibles salaires. Ce fut pure folie que de lui donner la même monnaie que celle des Allemands qui fabriquent les meilleures voitures du monde et des machines-outils pour la planète. Une folie qui a permis à la Grèce de se goinfrer de subventions européennes pendant des années, de faire de la fraude fiscale un sport national. Mais la cigale, ayant chanté tout l’été, se trouva fort dépourvue quand la bise fut venue.
Aux États-Unis, l’État fédéral subventionne les États du centre du pays les plus déshérités. En France, l’État fait la même chose avec la Corrèze ou les Dom-Tom. On peut même penser que les grands européens, Giscard, Mitterrand, Delors, ont fait exprès de créer une monnaie unique pour contraindre les États européens à fédéraliser aussi le budget communautaire. Mais voilà, il y a un hic. Rien d’important. Les peuples. La fourmi allemande n’est pas prêteuse. La hollandaise et la finlandaise non plus. Les solidarités européennes se révèlent peu évidentes.
La question n’est pas de savoir si la Grèce quittera l’euro, mais quand. Pour avoir annoncé cette nouvelle la semaine dernière, un grand journal allemand s’est fait taper sur les doigts. « Impossible », « Impensable », ont dit les éminences européennes dans toutes les langues. Combien de temps ?