Quand la fin justifie les moyens
Avant, les choses étaient simples. On payait. Des rançons plus ou moins élevées, selon la médiatisation de l’otage. On jurait ses grands dieux qu’on ne céderait jamais au chantage, mais on payait. La gauche comme la droite payaient. Pour le coup, l’intervention militaire française décidée par Nicolas Sarkozy est une vraie rupture. Le paradoxe, c’est que cette décision est saluée unanimement par la classe politique. Comme un hommage du vice à la vertu. Qui ne durera sans doute pas. La France est entraînée dans une escalade sanglante dont on ne connaît pas l’issue. La mort de nouveaux otages pris au hasard pour racheter le sang des terroristes tombés sous les balles de l’armée française, selon d’ancestrales coutumes tribales codifiées par le Coran. Ou des attentats sur le sol français qu’on a déjà connus dans les années 80 et 90.
À l’époque, c’était la politique française en Algérie ou le soutien de l’Irak contre l’Iran qu’on voulait punir. Aujourd’hui, ce sont les réflexes laïcs d’une République qui interdit le voile intégral dans la rue qu’on vitupère et l’image d’une ancienne puissance colonisatrice qu’une Aqmi venue d’Algérie ne cesse de vomir. On ne sait jusqu’où une opinion pacifiste éduquée dans une culture consumériste et hédoniste où la vie humaine et la paix sont sacralisées acceptera de lutter contre des fanatiques au jeu sanglant de l’honneur et de la mort. Jusqu’à quand ? Pendant des décennies, en plus des rançons qu’on réglait rubis sur l’ongle, la politique arabe de la France était notre police d’assurance, ou du moins le croyait-on. Là aussi, nous vivons une rupture. Nicolas Sarkozy n’est pas vu comme le protecteur des Palestiniens, comme le furent François Mitterrand ou Jacques Chirac. Le climat a radicalement changé. Il est obscurci par la multitude de violences contre les chrétiens dans le monde arabe. En Égypte, en Irak.
Nicolas Sarkozy a condamné avec véhémence l’épuration des chrétiens. Même une gaulliste pur sucre comme Michèle Alliot-Marie a dénoncé la christianophobie. Le Président a même réclamé la réciprocité des conditions de culte pour les minorités religieuses. Revendication qui vous faisait passer pour un extrémiste il y a encore quelques semaines dans les médias français. Bien sûr, Nicolas Sarkozy continue de distinguer entre l’islamisme et l’islam, selon la dialectique du bon et du méchant, ne serait-ce que pour protéger légitimement nos compatriotes musulmans. Mais combien de temps cette digue dialectique, fragile de surcroît sur le plan théorique, tiendra-t-elle ? C’est comme si la France amorçait un petit 11 septembre hexagonal. Dans ce nouveau contexte, on se demandera de plus en plus ce que nos troupes font en Afghanistan à chercher un Ben Laden envolé depuis des lustres, à risquer la peau de nos meilleurs soldats pour une cause qui n’est pas la nôtre, tandis que des ennemis autrement plus réels et plus menaçants tuent nos compatriotes dans le Sahel. Une question de plus, pour l’instant sans réponse.