Lundi 27 juin 2011

Martine Aubry, le jour d’avant

Ce fut sa semaine. La semaine de Martine. Martine candidate. Martine dans sa bonne ville de Lille. Martine et la culture. Martine et la diversité. Martine, femme de devoir. Martine et son père. Martine, catholique de gauche. Que Martine Aubry en profite, le coup d’encensoir médiatique ne durera pas. Martine Aubry n’est pas une bête de télé. Aussitôt qu’elle apparaît sur les écrans, les audimat s’affolent et flanchent. Elle n’a pas l’humour sarcastique de François Hollande – en tout cas en public, car en privé, ses vacheries peuvent être fort drôles. Elle n’a pas non plus les si télégéniques coups de folie de Ségolène.

Martine Aubry semble parfois n’avoir jamais quitté tout à fait l’administration des Affaires sociales où elle fit ses premières armes. Le mot care a disparu désormais de son vocabulaire, car elle a compris que ça faisait trop assistante sociale. Mais l’idée est restée. Martine Aubry est une moderne. Des années 70. La deuxième gauche rocardienne est son bain amniotique. Europe, décentralisation, contractualisation, mais aussi libre-échange et multiculturalisme : toutes ces idées qui paraissaient si neuves et si séduisantes aux yeux de l’élite technocratique de la gauche des années 70 ont perdu depuis de leur éclat, mais restent le corset intellectuel qui soutient la première secrétaire du Parti socialiste.

Martine est l’enfant biologique de Jacques Delors, mais la filiation est aussi idéologique. Ils sont les purs produits de cette démocratie chrétienne qui est passée de droite à gauche, qu’elle a imprégnée d’un catholicisme sans le dogme, d’un universalisme sans rédemption, d’une tolérance sans limites. C’est ce qui entraînera la maire de Lille à réserver des horaires spécifiques, dans les piscines de sa ville, pour les femmes musulmanes ou juives très pratiquantes. C’est ce qui conduira son mari, avocat de son état, à défendre des filles voilées. Comme disait un auteur anglais, G.K. Chesterton, « le monde moderne est plein d’anciennes vertus chrétiennes devenues folles ».

La droite lui reproche surtout les 35 heures ; les ouvriers aussi, car ils y ont perdu ces heures supplémentaires qui mettaient du beurre dans leurs épinards. C’est en partie injuste ; elle avait alors seulement appliqué – de manière un brin rigide – une mirobolante idée de campagne électorale de Dominique Strauss-Kahn, à laquelle elle s’était d’abord opposée. C’était un temps lointain, tout à fait oublié aujourd’hui, une autre vie, où Martine Aubry était la coqueluche du patronat, avec lequel elle communiait dans le culte du marché, de l’Europe, de la mondialisation, et du traitement social du chômage. C’est d’ailleurs la dette, et non le patronat, copieusement exonéré de charges sociales, qui a payé le coût mirifique de ses chères 35 heures.

Rien ne la sépare idéologiquement de François Hollande. Seule l’inimitié, teintée de mépris, qu’elle lui voue la porte dans son combat contre lui. En politique, la haine est souvent un moteur décisif. Elle vous pousse en avant, vous stimule, vous motive. Vous aveugle aussi parfois.

Le Bûcher des vaniteux
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