La primaire à droite, une idée qui fait son chemin
L’Amérique nous fascine et nous habite. Les blue-jeans, le Coca-Cola, les McDo, Dr House et les Desperate Housewives ; Sarkozy se voit en Kennedy qui aurait enfin trouvé celle qui serait sa Jackie et sa Marilyn à la fois. Pour la classe politique française, ce rêve américain a pris le nom de primaires. Le fantasme touche désormais l’UMP. Pour lutter contre la division annoncée du parti, la multiplication des candidatures, la dispersion des voix, le risque d’un 21 avril à l’envers, qui verrait le Président sortant arriver bon troisième au soir du premier tour. L’objectif est de protéger Nicolas Sarkozy du syndrome Jospin.
La droite reprend curieusement l’argumentaire de Lionel Jospin, qui a toujours affirmé que sa défaite en 2002 provenait mécaniquement de la division des voix entre plusieurs candidats. C’est croire que la présidentielle est réductible à un cartel électoral de partis. C’est ignorer la dynamique propre à cette élection, qui agrège des électorats disparates autour d’un candidat qui, à un moment précis, incarne le pays dans ses contradictions. Ce ne sont pas Chevènement et Taubira qui ont éliminé Jospin, c’est Jospin qui s’est désintégré. Invoquer cette référence historique, c’est une façon alambiquée de dire que le Président n’est pas le meilleur candidat de la droite. Qu’il doit être remplacé. Doit renoncer. Laisser la place. Que d’autres, Juppé, Fillon, doivent se préparer. C’est une première dans l’histoire de la Ve République. En 1965, Pompidou a attendu silencieusement que de Gaulle se décide ; en 1988, Rocard s’est retiré devant Mitterrand ; en 1981, Chirac a combattu Giscard, mais ne lui a jamais dénié le droit de se représenter. Dans la logique de la Ve, le Président sortant est le leader naturel.
Les socialistes organisent des primaires parce que, depuis la mort de Mitterrand et l’échec de Jospin, aucun patron n’a émergé. Ils demandent au peuple de gauche de faire le travail à leur place. Ils appellent cette infirmité progrès démocratique. Ils veulent croire que le vainqueur de la primaire sortira renforcé de la légitimité démocratique ; ils oublient que les limites de Ségolène Royal apparurent au grand jour dès qu’elle fut désignée candidate : on ne la regardait plus de la même façon.
Il y a vingt ans, Charles Pasqua avait déjà lancé cette idée de primaires. À l’époque, le RPR de Jacques Chirac faisait monter ses gros bataillons pour bloquer l’ambition du revenant Giscard. Pasqua, très populaire auprès des militants RPR, montrait aussi le bout de son ambition élyséenne, sans l’assumer vraiment. Ce pastis versé dans le Coca-Cola n’a jamais trouvé buveur.
La présidentielle américaine est une élection à un tour, avec un mode de scrutin indirect. La longueur du processus de sélection oblige à des dépenses mirifiques, qui mettent le futur président dans la main de ses généreux donateurs. Notre fascination énamourée pour l’Amérique et notre mauvaise connaissance de l’anglais nous trompent : en français, primaire se traduit tout simplement par premier tour.