Jeudi 7 avril 2011

Les guerres de Nicolas Sarkozy

Même Louis XIV ou Napoléon n’avaient pas osé : trois guerres à la fois, c’est une première sans doute dans l’histoire de France. Il est vrai que la campagne de Russie et la guérilla en Espagne n’avaient rien à voir avec les interventions d’aujourd’hui. Celles-ci sont des opérations de police internationale ; celles-là étaient de vraies guerres, féroces et cruelles. Autrefois, nos troupes étaient engagées par la décision souveraine de notre chef de l’État pour défendre les intérêts de la nation. Désormais, elles sont envoyées, au nom de l’ONU, pour éviter des massacres de civils. C’est la revanche de l’ingérence humanitaire sur la realpolitik. La revanche posthume de Kouchner, viré du Quai d’Orsay il y a quelques mois. La revanche de BHL sur Mitterrand et Juppé, qui lui avaient résisté dans l’affaire de la Bosnie il y a quinze ans.

Sarkozy s’engagerait, dit-on, dans ces conflits pour redorer son blason sondagier, en prévision de la présidentielle. Certes, la guerre peut lui donner enfin cette aura présidentielle après laquelle il court en vain depuis quatre ans. Mais jamais une présidentielle ne s’est jouée sur la politique étrangère. Sans remonter à Churchill, ses succès dans la première guerre du Golfe en 1990 n’avaient pas empêché Bush père d’être laminé par Bill Clinton au cri de : « L’économie, imbécile ! » L’intervention libyenne a été décidée pour rattraper les retards à l’allumage de la diplomatie française dans les révolutions tunisienne et égyptienne, et pour effacer l’image malséante de la France, patrie des droits de l’homme, acoquinée avec des dictateurs prévaricateurs. La Libye, c’est vraiment la guerre de Sarkozy. Les deux autres, il en a hérité. Il avait d’abord refusé l’héritage, puis s’est ravisé. Mais dans les trois cas, la France a rejoint les Anglo-Saxons alors qu’elle leur était traditionnellement opposée.

En Libye comme en Afghanistan, l’armée française montre sa dépendance envers la machine de l’Otan. La défense européenne au nom de laquelle Sarkozy avait ramené la France dans l’Alliance intégrée se révèle une chimère. Au nom de la démocratie et des droits de l’homme, la France plonge dans des guêpiers tribaux et ethniques inextricables. En Afghanistan, « notre » président Karzaï négocie avec les talibans en fonction de ses solidarités tribales. En Libye, nous soutenons un pseudo-comité du peuple libyen, qui est avant tout le syndicat des tribus de la Cyrénaïque dont les Américains savent qu’elle fut l’un des principaux foyers de recrutement des islamistes engagés en Irak.

En Côte d’Ivoire, nos médias annoncent l’avènement du vainqueur des urnes, mais beaucoup d’Ivoiriens qui ont voté Gbagbo estiment au contraire que l’aide des États-Unis et de la France permettra au monde musulman venu du nord de reprendre son expansion vers le sud de l’Afrique, qui avait été arrêtée par la parenthèse de la colonisation française. Enfin, toutes ces guerres ont un coût. Élevé. Inconnu. Et pendant ce temps-là, François Baroin fait la chasse aux économies budgétaires.

Le Bûcher des vaniteux
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