Jeudi 7 juillet 2011
Quand Guérini fait la nique à Paris
Qu’en termes galants ces choses-là sont dites. La fédération des Bouches-du-Rhône est exemplaire. Enfin presque. On ne peut lui reprocher que des peccadilles, tout juste quelques dysfonctionnements. Des menaces ? Quelles menaces ? Des intimidations ? Quelles intimidations ? Juste une culture du rapport de force. Des malversations ? Quelles malversations ? Des pots-de-vin ? Quels pots-de-vin ? Des faux électeurs ? Quels faux électeurs ? Ah, vous voulez parler d’usages anciens !
Tout va bien dans le meilleur des mondes possibles. La voiture jaune de Oui-Oui l’a conduit jusqu’à Marseille et l’a ramené rue de Solferino pour raconter son édifiante histoire à Martine et aux garçons. Et tout le monde est reparti heureux, dans le joli monde des contes pour enfants. On se souvient pourtant qu’il y a quelques mois, Dame Martine n’avait pas eu semblable mansuétude maternelle pour la fédération de l’Hérault, qui avait été dissoute. Son président, Georges Frêche, lui aussi, menaçait, intimidait et ne lésinait pas sur les fausses cartes si nécessaire. Mais peccadilles que tout cela, dysfonctionnements, usages anciens. Georges Frêche, lui, s’était rendu coupable de propos contraires à la morale antiraciste et féministe en vigueur aujourd’hui. Et au PS, on peut s’arranger avec la morale, mais jamais avec le moralisme politiquement correct. Dans la hiérarchie socialiste, un dérapage est beaucoup plus grave qu’un dysfonctionnement.
Martine Aubry promet de changer de civilisation. Mais il y a des conservatismes qu’elle apprécie. Marseille doit rester Marseille. Guérini doit rester Guérini. Et le Parti socialiste redevenir la SFIO. Comme au bon vieux temps de Gaston Defferre. Martine Aubry a de la mémoire et de la reconnaissance. Elle – et ses alliés de l’appareil – ont arrêté la vague Ségolène Royal lors du fameux congrès de Reims, grâce à des usages anciens – en clair des faux électeurs – plus nombreux que ceux de sa rivale. Elle a aussi de l’ambition. Elle fait donc tout pour vaincre Hollande dans la primaire. Or, elle conçoit la primaire comme un congrès du parti. Hollande ne fait pas une autre analyse. Tous les deux sont engagés dans une bataille acharnée et inexpiable pour séduire, enjôler, enrôler, circonvenir les grands élus. Qui, grâce à leur machine clientéliste locale, à coups de « plaçous » et de subventions diverses, dirigent les votes de nombreux militants affidés. Depuis dix ans, le PS gagne toutes les élections locales et perd chaque présidentielle. C’est sa chance et son drame. Mais les deux finissent par être liés comme les deux faces d’une même pièce. Le PS est devenu – redevenu comme son ancêtre SFIO – un parti d’élus locaux.
Tous ceux qui avaient, tel le flamboyant Arnaud Montebourg, imposé le système des primaires pour ouvrir le parti vers la société française, pour contraindre l’appareil à sortir de ses réflexes claniques d’apparatchiks, se retrouvent cocus. Cocus magnifiques, cocus pas contents, mais cocus quand même.