Jeudi 14 avril 2011

L’hypoprésident

Mais où est donc passé notre hyperprésident ? Sarkozy se promettait de transformer la France de fond en comble. Il a dû renoncer à la plupart des mesures de son fameux paquet fiscal de l’été 2007. Le Président, décrit par ses adversaires les plus acharnés comme concentrant à l’excès tous les pouvoirs, ne peut même pas décider la suppression de l’ISF. Sa majorité parlementaire ne l’aurait pas accepté. Michel Debré doit se retourner dans sa tombe, lui qui a justement rédigé la Constitution de la Ve République pour permettre à l’exécutif de tordre le bras à des Assemblées rétives. Les outils sont intacts mais Sarkozy n’ose s’en servir, comme s’il ne s’en sentait ni la force ni la légitimité, affaibli qu’il est par la médiocrité de ses sondages, les divisions au sein du parti majoritaire, et les calculs électoralistes en prévision de 2012. Déjà, on s’était aperçu de sa faiblesse nouvelle lorsqu’il n’avait pas réussi à imposer comme Premier ministre Jean-Louis Borloo à un groupe UMP qui ne jurait alors que par Fillon. Le quinquennat produit là ses effets délétères, qui transforme le monarque républicain de jadis en un président américain privé de toute latitude, plus d’un an avant son hypothétique réélection.

Mais le mal qui ronge le sarkozisme est encore plus profond. L’hyperprésidence était un mythe médiatique, mais il arrangeait Sarkozy qui avait séduit les Français avec le retour annoncé du politique. Entre les prérogatives de l’Europe, et la puissance planétaire de la finance internationale et des grands groupes mondialisés, Sarkozy est, par rapport à ses prédécesseurs, davantage un hypoprésident qu’un hyperprésident. À son arrivée à l’Élysée, il avait cru relancer la croissance française en adoptant le modèle américain fondé sur l’endettement. Public mais aussi privé. C’était le temps du « travailler plus pour gagner plus ». Sarkozy avait même envisagé un temps d’adopter le système des subprimes. Qui devait faire exploser la machine américaine en 2008. Après deux ans de tâtonnements, Sarkozy a trouvé en Allemagne sa nouvelle Terre promise, bâtie sur la modération salariale, la rigueur budgétaire et la compétitivité économique. L’Allemagne où n’existe plus l’ISF depuis des années. Mais nous n’avons pas la puissance de feu des PME exportatrices germaniques et nos seules machines compétitives sont nos grands groupes qui n’investissent ni n’embauchent plus guère en France, comme l’atteste l’exemple caricatural de Renault.

Depuis trente ans, l’histoire se répète : en 1983, Mitterrand renonce à la relance de 1981. En octobre 1995, Chirac enterre la lutte contre la fracture sociale. Sarkozy plie deux fois en moins de quatre ans. Nos présidents, pourtant légitimes sur le plan politique, ne parviennent plus à imposer leurs visions économiques. On peut accuser leur incompétence ou leur cynisme électoraliste qui leur fait promettre n’importe quoi. Ou la mondialisation, ou l’euro. Ou tout cela à la fois. Mais cela rend soudain nos idéaux démocratiques vides de toute substance.

Le Bûcher des vaniteux
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