Mardi 6 septembre 2011
Nicolas Sarkozy et l’enseignement
Dans un pays où les salles de classe servent aussi de bureaux de vote, l’école est plus que l’école. Un enjeu politique, et même philosophique. À la veille de la présidentielle, le citoyen électeur est désorienté. On le serait à moins. Car il n’y a pas eu une politique de Sarkozy sur l’éducation, mais deux. Au moins. Celle du début du mandat concernait l’école primaire et visait à remettre l’école de papa au milieu du village. Retour aux programmes et aux méthodes traditionnels. En tout cas, dans le discours. Cette politique, réactionnaire au sens exact du terme, avait été plébiscitée par les électeurs au cours de la campagne présidentielle de 2007. Elle était portée par Xavier Darcos qui, admirable lettré, incarnait l’excellence de l’école des blouses grises et du tableau noir.
Mais Darcos sabotait lui-même son chef-d’œuvre en enlevant les deux heures de cours du samedi matin. Les parents pouvaient partir en week-end, et les technos de Bercy supprimer des milliers de postes en douceur. À l’époque, Darcos rêvait de succéder à Fillon à Matignon. Il préparait une réforme du lycée qui sonnait comme l’exact contraire de ce qu’il avait fait pour le primaire. On n’apprenait plus les batailles de Napoléon, mais on savait travailler en équipe, en partenariat avec les associations. Les attitudes étaient préférées aux connaissances, les savoir-faire au savoir. On y retrouvait tous les repères modernistes inventés par l’école américaine il y a cinquante ans, imposés à tout l’Occident par les organismes internationaux et popularisés par le fameux classement de Shanghai. C’est son successeur, Luc Chatel, qui mettait en œuvre cette réforme du lycée. Le roi de la version latine avait accepté par ambition ce que le roi du PowerPoint appliquait par conviction.
Au-delà de la rituelle dénonciation du manque d’effectifs, la gauche emploie les mêmes mots que la droite. Elle aussi ne parle que de niveau de compétences, de parcours personnalisé, d’autonomie des élèves, de lutte contre les ghettos scolaires et les inégalités. Elle aussi érige l’anglais en langue universelle de communication et en critère principal de sélection des élites. Des mots et des concepts que la gauche a d’ailleurs inventés, magnifiés, avant de les imposer à la rue de Grenelle par la puissance de ses syndicats et surtout du corps des inspecteurs d’académie, qui ont puni depuis des décennies les instits et les profs rebelles à l’idéologie dominante. Magnifique exemple de continuité qui devrait plaire à tous ceux qui veulent sortir du clivage droite-gauche : pour détruire l’ex-meilleure école du monde, la droite et la gauche se sont donné la main, la gauche par idéologie, la droite par économie. Belle et bonne alliance des libéraux et des libertaires, des modernes des deux bords.
Écœurés par l’effondrement du niveau, les parents aisés assiègent les écoles privées et enrichissent les organismes de cours particuliers. Les enfants défavorisés sont abandonnés à leur triste sort. La gauche le reprochera à Sarkozy alors qu’il a été son meilleur élève.