Mercredi 13 avril 2011
Le syndrome Dupont Lajoie
Il vaut mieux en rire avant que d’en pleurer. Cette étude officielle dément avec une rare cruauté la thèse imposée et enseignée sans relâche depuis des années dans les écoles comme dans les médias : la fameuse discrimination. Les patrons mettraient au panier les CV arborant un nom à consonance étrangère. Il suffirait donc de les empêcher de deviner l’identité du candidat pour que leur sournoise partialité s’évanouisse et que le sur-chômage – des garçons avant tout, résidant dans les banlieues – se réduise. Cette thèse repose sur le présupposé d’une France raciste, xénophobe à tout le moins, qui refuse obstinément de s’ouvrir à la salvatrice différence. Le syndrome Dupont Lajoie.
Cette étude est un pied de nez formidable à cette accusation lancinante. Les recruteurs se révèlent plus généreux, plus indulgents que ne le prétend la soupçonneuse idéologie antiraciste. Comme le dit le responsable de l’étude, « les recruteurs pardonnent plus de trous dans les CV ou de fautes d’orthographe quand ils connaissent les origines sociales ». Certains pourraient même les accuser, à l’inverse, de discrimination positive. De rupture de l’égalité au détriment des Français de souche. Retournement de la machine du soupçon qui prouve que l’on n’a pas pris la question du bon côté.
La France est le pays d’Europe qui a élaboré, depuis cent cinquante ans, la plus ancienne et la plus efficace machine à intégrer les étrangers. D’un côté, le droit du sol, mais de l’autre, l’assimilation, qui repose sur l’acquisition des codes culturels et sociaux ancestraux du pays. Le nom et le prénom étaient des symboles de cette assimilation. Un équilibre fragile avait été trouvé au fil des décennies entre le nom de famille, que l’immigrant conservait le plus souvent – même s’il lui arrivait de le franciser – car il marquait ses origines, et le prénom donné à ses enfants, qui montrait la volonté de s’intégrer dans sa société d’accueil. Adjani se prénommait Isabelle ; Platini, Michel. Jusqu’aux années 60, des lois légitimaient le préfet à exiger des prénoms choisis dans le calendrier chrétien. Ces lois ont été dénoncées comme un reliquat de la période coloniale. Elles sont tombées en désuétude. Abrogées. Désormais, on se plaint des effets dont on chérit les causes.
Comme souvent en économie, la confiance serait préférable au soupçon. Le choix de collaborateurs relève de critères complexes. Il y a rarement des grands blonds scandinaves dans les kebabs et des serveurs noirs dans les restaurants chinois. Les résultats de cette étude conforteront le gouvernement à qui on reprochait de n’avoir jamais pris le décret d’application de cette mesure qui figurait dans la loi sur l’égalité des chances votée en 2006, après les grandes émeutes de l’automne 2005. Dans leur programme, les socialistes prévoient pourtant toujours de généraliser ce CV anonyme. Et le commissaire à la Diversité, Yazid Sabeg, préfère contester l’étude. La réalité est déplaisante, mais elle est irrémédiable.