Vendredi 15 avril 2011
Désaccord entre Sarkozy et les patrons
Irritation, mécontentement, désaccord. C’est la nouvelle trilogie entre le patronat et Nicolas Sarkozy. Il paraît loin, le temps de l’idylle, de la communion, du soutien. Loin, le temps de la nuit du Fouquet’s. Loin, le temps où Sarkozy s’invitait à l’université d’été du Medef, embrassait Laurence Parisot, qu’il avait connue sur les bancs de Sciences-Po, où elle fut une bien meilleure élève que lui. Sarkozy était le candidat idéal du patronat, il comprenait, lui, les logiques économiques de la mondialisation ; cet ancien avocat d’affaires n’avait pas les réflexes colbertistes d’un technocrate comme Chirac.
Désormais, les thèmes de discorde se multiplient. Le patron rejette le projet prime contre dividende. Mais Laurence Parisot – et Christine Lagarde – montent aussi au créneau lorsque Claude Guéant se propose de réduire l’immigration légale. Les mêmes patrons ne cachent pas leur déception quand Sarkozy supprime le bouclier fiscal sans abattre l’ISF. Ces conflits successifs sont logiques. Cohérents même. Ils sont le produit des contradictions nées de la mondialisation.
Les actionnaires des entreprises du Cac 40 se partageront cette année 41 milliards d’euros. Colossal gâteau. D’autant plus appétissant que les salariés se serrent la ceinture depuis des années. Et voient leur pouvoir d’achat baisser à cause de la hausse des produits alimentaires, de l’essence et de l’immobilier. Mais l’essentiel des bénéfices des entreprises du Cac 40 provient de leurs activités dans les pays émergents. Où les salaires sont bien inférieurs à ceux des Français. Ces mêmes entreprises n’ont aucune envie de donner plus d’argent à des salariés français qui, à leurs yeux, coûtent déjà trop cher, comparés à leurs homologues turcs ou chinois. Mais ces derniers ne votent pas pour la présidentielle de 2012. Même chose pour l’immigration. Les 200 000 entrées légales chaque année se retrouvent ensuite sur le marché de l’emploi. Beaucoup deviennent des chômeurs ou acceptent des postes mal payés. Ce flux permanent – auquel il faut ajouter les clandestins – permet au patronat de ne pas augmenter les salaires dans les secteurs économiques où on manque de main-d’œuvre. De maintenir les profits à flot. C’est l’armée de réserve du capitalisme, disait Marx. Mais l’électorat populaire exige de Sarkozy qu’il ferme les robinets de l’immigration.
Enfin, l’ISF, qui n’existe plus dans la plupart des pays européens. La libération des mouvements de capitaux en Europe et dans le monde a permis à beaucoup de grands patrons – dont les revenus ont décuplé, à l’exemple de leurs homologues américains – de mettre leur fortune à l’abri du fisc français. Voir un Président de droite, leur ami personnel parfois, inventer une exit tax qui touche justement ceux qui transfèrent leurs fonds à l’étranger les exaspère. Pour beaucoup d’entre eux, le sort en est jeté : ils soutiendront – discrètement – Dominique Strauss-Kahn. Le capitalisme était si beau sous la gauche.