Devedjian, Balkany : la zizanie en Sarkozie
Isabelle Balkany s’est demandé un instant si elle était morte. Non, elle était bien vivante et pourtant elle entendait le président du conseil général des Hauts-de-Seine, Patrick Devedjian, lui rendre un hommage appuyé. L’hommage du vainqueur au vaincu. À la fin du célèbre roman d’Alexandre Dumas, Monte-Cristo, après avoir tué tous ceux qui avaient causé son injuste emprisonnement, graciait le dernier condamné, pris d’un soudain accès de mansuétude. Devedjian, c’est Monte-Cristo. Il fait assaut d’amabilités avec les conseillers généraux qui l’ont réélu, mais tous savent très bien que son caractère impérieux reprendra vite le dessus. On annonçait sa mort politique. Il était mis en quarantaine par Sarkozy. Le fils du Président, Jean, rêvait déjà de le remplacer à la tête des Hauts-de-Seine. Il a dû, toute honte bue, adouber son vieux rival. Devedjian exaspérait depuis longtemps les Balkany qui lui savonnaient la planche ; c’est Isabelle qui a mordu la poussière.
Devedjian, c’est aussi Le Cave se rebiffe. On se souvient qu’en 2007, furieux que le Président lui ait préféré Rachida Dati au ministère de la Justice dont cet avocat brillant rêvait comme d’un bâton de maréchal, il avait eu cette réplique de cinéma : « Je suis pour l’ouverture, jusqu’aux sarkozistes. » Il était de notoriété publique que le Président ne le supportait plus et n’attendait qu’une occasion pour se débarrasser de lui à la tête de ces Hauts-de-Seine qu’il n’a jamais cessé de considérer comme son fief. C’est justement cet ostracisme élyséen qui a sauvé Devedjian. C’est parce qu’il a osé critiquer les manières du Président, dire tout le mal qu’il pensait du débat sur la laïcité, que les électeurs l’ont plébiscité.
Ces cantonales ont consacré un antisarkozisme de droite assez puissant localement pour abattre les amis du Président et porter sur le pavois ceux qui ne l’étaient plus. Un antisarkozisme paré de l’étiquette flatteuse mais obscure de divers droite, aux contours idéologiques flous, qui joue, comme toujours en politique, sur le renouvellement des générations et le rejet des partis. Et la détestation du Président sortant, son style plus encore que sa politique : une droite qui ne lui a pas pardonné les débuts tonitruants de son mandat, la soirée au Fouquet’s et le yacht de Bolloré. Une droite très typée de la bourgeoisie française qui a de tout temps traqué la vulgarité du parvenu à l’égal du péché.
Dans les années 70, le RPR de Jacques Chirac avait canalisé, organisé, idéologisé, instrumentalisé une révolte similaire contre Giscard. Cette fois-ci, l’UMP empêche une rébellion partisane contre le Président, mais n’a pu éviter une dissidence diffuse et sournoise. C’est un des paradoxes de ces cantonales : alors que le score officiel du parti du Président est calamiteux, le succès des divers droite permet au camp du Président de tenir la dragée haute à l’opposition socialiste. Mais on n’est pas du tout sûr que ce soit le camp du Président.