Vendredi 14 octobre 2011

L’Allemagne ne paiera pas

C’est la fin. La fin des illusions, la fin des faux-semblants, la fin des mensonges. On nous avait dit : la Grèce remboursera ses dettes. Après un bon plan de rigueur, le pays repartira et pourra rembourser ses créanciers. Les responsables de la zone euro avouent désormais sans sourciller qu’il faudra faire une croix sur 30 à 50 % de la dette grecque. Le président de l’Eurogroupe, Jean-Claude Juncker, a même évoqué le chiffre de 60 %, avant que ses services ne le fassent taire. Trop fort. Trop tôt. Trop juste.

Les banques françaises se sont gorgées de papier grec. Tellement alléchant. Pour l’instant, elles font semblant de croire que, conformément à l’accord européen du 21 juillet dernier, elles ne devront renoncer qu’à 21 % de leurs créances. Encore une illusion, un faux-semblant, un mensonge. Le gouvernement français, jusqu’alors, vantait la solidité de nos banques. Quand Christine Lagarde, devenue directrice du FMI, réclama la recapitalisation des banques, elle reçut à Paris une bordée d’injures. Traître à la patrie ! Il est vrai qu’elle disait le contraire quand elle était à Bercy. Désormais, Valérie Pécresse ne dit pas autre chose que sa devancière. Il faudra bien recapitaliser les banques françaises. Avec des fonds publics. Pourtant, on affirmait jusque-là que les banques françaises étaient les meilleures du monde, qu’elles n’étaient pas tombées dans les excès anglo-saxons. Notre modèle indépassable de banque universelle nous protégeait. Quand Arnaud Montebourg ou Marine Le Pen proposaient de les mettre sous tutelle, Jean-François Copé les traitait de bolcheviks.

Les banques françaises ont péché par arrogance. Même le cœur du cœur, l’empire des inspecteurs des Finances, BNP Paribas est en danger, fragilisée par sa trop grande dépendance aux financements à court terme. La faillite de la Grèce n’est qu’un début. Derrière la Grèce, il y a l’Espagne, l’Italie. Et derrière encore, la France. Le week-end dernier, Nicolas Sarkozy a demandé à Angela Merkel de faire prendre en charge la recapitalisation des banques françaises par le Fonds européen de stabilité financière. En clair, par le FESF. Encore plus clair : par l’Allemagne. Mais Angela a dit : Nein. « L’Allemagne paiera » fut déjà le slogan d’après la guerre de 1914, qui nous a été funeste. L’Allemagne ne paiera pas pour sauver les finances publiques françaises et notre triple A. La France devra mettre ses propres deniers publics pour sauver ses banques. Mais « uniquement en dernier ressort », dit Valérie Pécresse. Encore une minute, monsieur le bourreau. Le couple franco-allemand ? Illusions, faux-semblant, mensonge.

La faillite de la Grèce en appellera d’autres. Tous les pays de l’Europe du Sud sont dans le viseur. Ce qui signifierait la mort des banques du Sud, et la domination sans partage de celles du Nord. Les grands groupes industriels allemands pourraient alors racheter à bas prix les actifs industriels des pays du Sud. Pendant ce temps-là, les élites françaises rêvent plus que jamais au grand soir fédéraliste européen. Aux États-Unis d’Europe. Illusions, faux-semblant, mensonge.

Le Bûcher des vaniteux
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