Mercredi 20 avril 2011

Le gel des salaires de fonctionnaires

Faites ce que je dis, pas ce que je fais. Cette formule lapidaire du bon sens populaire résume parfaitement l’impression que donne le pouvoir sarkoziste. Augmentez les salaires, commande le Président au privé, pendant qu’il gèle une année supplémentaire ceux des fonctionnaires. On ne peut même pas lui reprocher un manque de logique : les salaires des fonctionnaires pèsent sur les déficits budgétaires et la dette publique qu’il doit impérativement réduire ; les entreprises du Cac 40 distribueront 41 milliards d’euros à leurs actionnaires, pendant que leurs salariés les regardent la langue pendante. Mais la politique qui globalise, schématise, synthétise, n’a que faire de ces logiques séparées. Les Français, dont on sait depuis Chateaubriand que l’égalité est leur seule passion, ne supportent pas ce deux poids deux mesures.

Sarkozy est dans une nasse. Il veut tenir ses promesses de campagne de 2007 sur le pouvoir d’achat d’autant plus qu’une autre campagne présidentielle s’annonce déjà. Mais il doit respecter ses engagements européens de rigueur, de peur de perdre son précieux triple A des agences de notation. Il a cru, au début de son mandat, s’en sortir par un surcroît d’activité et un surcroît d’endettement. La crise a tué l’activité ; et elle a rendu l’endettement insupportable. L’euro, qui se renchérit jour après jour, étouffe à petit feu une croissance française déjà poussive ; l’exubérance de l’économie chinoise, les succès germaniques, les révolutions arabes, la baisse orchestrée du dollar poussent les prix des matières premières à la hausse : l’inflation menace de toutes parts, rognant les faibles hausses de revenus.

Social, social, social… les cabris sont de retour. Cela fait vingt ans que la France compense vaille que vaille les effets déflationnistes de la mondialisation sur les salaires par le social. Toujours plus d’allocations, toujours plus d’assistanat. Du social payé par la dette de l’État. Du social qui smicardise une part toujours croissante des travailleurs. Du social qui réduit sans cesse la différence entre les revenus de l’assistanat et ceux du travail. Du social qui exaspère les couches moyennes, toujours trop riches pour avoir droit à quelque chose. Sarkozy n’a guère de leviers. Il ne peut pas dévaluer sa monnaie puisqu’il a fait de la défense de l’euro une affaire identitaire, existentielle, au-delà du bien et du mal. Il n’ose pas mettre le fer dans la plaie de l’assistanat pour ne pas réveiller sa caricature de président des riches. Pour sauver de la ruine notre industrie qui a déjà perdu des millions d’emplois, détruits par les délocalisations et la concurrence déloyale des Chinois, il avait un moment envisagé un protectionnisme intelligent, qui mettrait à l’index le dumping social et écologique ; mais l’Allemagne, Bruxelles et l’OMC lui ont fait les gros yeux. Ça faisait beaucoup pour un seul homme, même président de la République française. La nasse.

Le Bûcher des vaniteux
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