Jeudi 26 mai 2011

Le déclin de l’Occident

Des policiers par milliers. Des manifestants par milliers. Des experts par milliers. Des communicants par milliers. Le G8 est d’abord un symbole de la démesure contemporaine. Démesure médiatique, sécuritaire, budgétaire. On se pince quand on entend Valéry Giscard d’Estaing expliquer qu’il avait eu l’idée de rencontres informelles au coin du feu. En 1975, un G5 rassemble les États-Unis, l’Allemagne, le Royaume-Uni, le Japon et la France, et l’image de Giscard et du président américain Gerald Ford devisant en maillot de bain dans une piscine fit le tour du monde.

Derrière la fausse simplicité affectée de Giscard, il y avait sûrement la nostalgie de l’équilibre européen du XIXe siècle qui rassemblait périodiquement les principaux monarques du continent. Il y avait aussi le fantasme de directoire mondial, alors qu’après guerre, le Conseil de sécurité de l’ONU était bloqué par la guerre froide avec l’URSS. Sans oublier l’obsession française, depuis la défaite de 1940, de rester dans le club huppé des grandes puissances.

Les membres du G5, vite devenu G7, représentaient alors près de 70 % de la richesse mondiale. Aujourd’hui, même après avoir intégré la Russie à leur club, les vieilles nations industrielles atteignent péniblement les 40 %. Les pays émergents, Chine, Inde, Brésil, et les autres, transformés par les grandes entreprises occidentales en porte-avions industriels, sont devenus les concurrents redoutables de nos pays.

Le déclin de l’Occident hante ses élites et ses peuples. Le lointain successeur de Giscard, Nicolas Sarkozy, a donc eu l’idée d’élargir le G8. Les Français, qui avaient théorisé le monde multipolaire, ne pouvaient pas rater ça. Mais le G13 devint vite un G20 car il fallut caser les alliés de l’Amérique, Arabie Saoudite, Turquie ou Australie. Et le G20 devint rapidement un vaste forum bavard et vain où les intérêts nationaux s’affrontent durement, où les Occidentaux sont mis en accusation pour avoir pollué la planète et être responsables de la crise financière qui a failli faire exploser l’économie mondiale. Ils sont devenus des débiteurs impécunieux mais arrogants qui ont le culot de faire la morale à leurs créanciers chinois ou arabes.

On comprend que les Occidentaux aient préféré rentrer à la maison du G8. Retour dans la famille occidentale, comme dirait Sarkozy. Mais la famille se retrouve avec un père prodigue. Obama n’aime ni le G8 ni Sarkozy. Il n’a annoncé sa venue à Deauville qu’au dernier moment. Il faut le pousser pour qu’il réchauffe sa relation spéciale avec l’Angleterre. Il laisse les Français et les Anglais se débrouiller en Libye. L’an dernier, il a insisté auprès de Merkel pour qu’elle sauve les Grecs et l’euro, mais il ne supporte pas que les Français remettent en cause la domination du dollar.

En 1975, Giscard demandait déjà aux Américains une gestion plus responsable de leur monnaie. Trente-six ans plus tard, les Américains continuent d’inonder la planète de dollars sans se soucier des conséquences. Et on peut parier que Deauville n’y changera rien.

Le Bûcher des vaniteux
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