Vendredi 23 septembre 2011
Chirac-Balladur : hache de guerre déterrée
On n’en finira jamais. La guerre entre Balladur et Chirac est un poison lent qui n’en finit pas de pourrir le corps de la droite. La guerre entre Chirac et Giscard lui avait déjà fait perdre le pouvoir en 1981. Celle entre Balladur et Chirac n’a pas empêché la droite de récupérer l’Élysée, mais elle semble éternelle, de nouvelles métastases se révélant sans cesse quand on croyait le patient guéri.
Sur le fond, tout a été dit ou plutôt suggéré par Roland Dumas. L’ancien président du Conseil constitutionnel a en effet avoué que les juges n’avaient avalisé en 1995 les comptes de campagne du candidat Balladur que parce qu’en cas contraire il aurait dû aussi, en toute équité, annuler les comptes du candidat Chirac. Les deux étaient autant falsifiés, bidonnés. Les deux sentaient le financement illégal à plein nez. Mais, comme l’a reconnu sportivement Dumas, Chirac avait été élu par le peuple français. Comment annuler son élection pour des affaires de financement occulte, alors que le contrôle du financement des partis et des campagnes n’existait même pas pour ses prédécesseurs ?
Décidément, Jacques Chirac est un béni de la fortune. Élu Président en 1995, à la barbe de son rival favori des sondages, il a été protégé des foudres de la justice pendant tout son séjour à l’Élysée ; et il y a deux jours, il a bénéficié de l’indulgence du parquet dans son procès des emplois fictifs de la Ville de Paris, alors même que c’est toute cette organisation mise au service du RPR qui lui avait permis de devenir Président. Lucky Jacques, unlucky Édouard, comme disait une vieille publicité.
Aujourd’hui, c’est Nicolas Bazire, l’ancien directeur de cabinet de Balladur, qui est mis en examen, dans une procédure à grand spectacle dont le juge Van Ruymbeke est coutumier. Le RPR de Jacques Chirac avait hérité des habitudes du pouvoir gaulliste et des réseaux africains de Foccart, qui défraient aujourd’hui la chronique. Mais Balladur était également un RPR, un ancien conseiller de Georges Pompidou ; Nicolas Sarkozy avait été un élève de Charles Pasqua, avant de s’émanciper.
Mêmes histoires, mêmes traditions, mêmes réseaux. Mêmes révélations que les uns balancent au détriment des autres. Ce qui ne signifie pas que l’attentat de Karachi fut forcément causé par la fureur d’intermédiaires qui n’auraient pas été payés parce que le pouvoir chiraquien aurait refusé de payer les commissions dues par les balladuriens. Ce qui ne signifie pas non plus que les héritiers des gaullistes soient les seuls à avoir mangé de ce pain-là. Les cris d’orfraie des socialistes ne doivent pas nous faire oublier ce que nous avait révélé l’ancien patron d’Elf-Aquitaine, Loïk Le Floch-Prigent, des consignes du président Mitterrand : partager équitablement entre droite et gauche, entre RPR et socialistes. Mais aujourd’hui, les anciens balladuriens sont dans l’œil du cyclone. Si l’on en croit les premières informations, les révélations des ex-épouses de ces messieurs mis en examen auraient alimenté les juges et les journalistes d’investigation. Hommes politiques, interdisez à vos collaborateurs de divorcer !