Prostitution : Bachelot et le modèle suédois

Le regretté Philippe Muray avait une fois encore été prophétique : « Dans notre société, l’envie de pénal a remplacé l’envie de pénis. » Roselyne Bachelot nous somme d’imiter la Suède. On n’ose lui rappeler que ce sont les sociaux-démocrates qui ont instauré cette mesure. Elle nous expliquera aux prochaines élections que la droite et la gauche, ce n’est pas la même chose. Une autre leçon du modèle suédois est que la prostitution a disparu de la rue, mais qu’elle a été transférée sur les réseaux internet. Roselyne Bachelot, c’est Tartuffette : « cachez-moi ce sein que je ne saurais voir ! »

C’est l’alliance d’un féminisme moderne qui voit partout des femmes victimes de méchants prédateurs virils et d’un très archaïque puritanisme de bigotes, qui trouvent que monsieur le curé est trop bon avec les créatures. Notre ministre dénonce non sans raison les réseaux internationaux de proxénétisme qui détruisent largement l’argumentaire de certaines féministes célèbres justifiant la prostitution au nom de la liberté absolue du corps.

Mais Roselyne Bachelot ne doit pas s’arrêter en si bon chemin. Il faut punir les acheteurs de tennis et de tee-shirts car ils sont fabriqués par des enfants chinois honteusement martyrisés. Il faut punir les clients des grands restaurants parisiens, car ils sont servis par des travailleurs clandestins scandaleusement exploités par leurs passeurs et leurs employeurs. Face à ses juges qui lui reprochaient, à la Libération, d’avoir couché avec un officier allemand, Arletty avait rétorqué : « Fallait pas les laisser entrer ! » Les clients des prostituées pourraient faire la même réponse à Roselyne Bachelot : fallait pas ratifier les accords de Schengen, qui ont transféré nos frontières nationales aux limites de l’Union européenne !

Roselyne Bachelot aurait embastillé Casanova qui aurait pu rédiger un guide Michelin des bordels d’Europe ; Flaubert qui allait jusqu’au Caire pour découvrir les prostituées égyptiennes ; Stendhal qui conseillait d’aller voir une « fille de rien » avant de rendre visite à la femme aimée ; Maupassant ou Victor Hugo qui notaient les performances des unes et des autres, mélangeant allégrement conquêtes et filles vénales. Longtemps, la prostitution fut un rite d’initiation virile ; le père y conduisait son fils, ou l’armée le faisait pour lui. Sans l’idéaliser ni la glorifier, ni même l’encourager, la prostitution n’est peut-être pas le plus vieux métier du monde, mais est aussi vieille que les relations entre désir et argent. Des relations complexes entre domination et soumission, où la victime n’est pas toujours celle que l’on croit. Une sexualité qui utilise l’argent pour mettre le sentiment à distance. Une sexualité fonctionnelle, essentiellement virile ; c’est même pour cette raison qu’elle est vilipendée.