Martine qui pleure, François qui rit

Martine qui pleure sur le sort de son ami Dominique, mais aussi sur elle-même, contrainte désormais à une candidature présidentielle dont elle ne voulait pas. François qui rit, tortue débarrassée par miracle de son lièvre, qui s’est pris pour un lapin ; mais François qui rit jaune. Trop tôt, trop vite. Pas prêt. La tortue avait encore besoin du lièvre en point de mire.

L’émotion au PS prouve bien qu’en dépit des dénégations et des déclarations vertueuses sur la démocratie des primaires, tous les hiérarques socialistes – même la gauche du parti – avaient intériorisé l’irrésistible couronnement de l’homme de Washington. C’est la malédiction de Solferino. Après Rocard et Jospin, DSK. À chaque fois, un champion crédible, chéri des élites et des médias, mord la poussière avec une rare brutalité. Malédiction de cette « gauche américaine », comme l’avait appelée naguère Jean-Pierre Chevènement, qui se targue depuis vingt ans d’ajuster le socialisme français aux patrons idéologiques de la social-démocratie occidentale. Au moment même où le centre de réflexion de la « gauche moderne », Terra Nova, encourageait le PS à troquer la base ouvrière traditionnelle de la gauche, coupable d’avoir conservé des valeurs traditionnelles de « droite », pour un nouveau peuple de jeunes, femmes et enfants d’immigrés, le champion incontesté de cette mue sociologique et historique se retrouve menottes aux poignets entre deux flics de New York.

Le remplaçant idéal serait François Hollande, lui aussi enfant (politique) de Delors, européiste sans état d’âme, hostile à tout protectionnisme et à toute fermeture à l’immigration, mais l’appareil socialiste, groupé autour d’Aubry, de Fabius et des strauss-kahniens le hait. Le méprise. Le vomit. Ce rejet viscéral rappelle celui qu’avait subi la précédente candidate du parti, Ségolène Royal, lors de la campagne de 2007. La malédiction de Solferino.